Détail du mois de janvier : un navire pris dans la tempête

Le détail du mois de janvier provient de la peinture sur bois Navires pris dans la tempête de Jan Porcellis (1583/5, Gand – 29 janvier 1632, Zoeterwoude), peintre hollandais dont le style est typique de l’importante production de tableaux du genre de marine du Siècle d’Or. Formé auprès de Hendrik Vroom dont on retrouve l’influence dans son goût pour la représentation de mers déchainées, Jan Porcellis va être un voyageur infatigable qui ne se contente pas de peindre les bateaux mais les utilise également : il est successivement documenté à Rotterdam, à Londres, à Middelburg (Zélande), à Anvers, à Gand, à Haarlem, à Amsterdam, à Voorburg pour finalement se fixer à Zoeterwoude-Dorp pour les dernières années de sa vie.

À l’époque de Porcellis, le navire était considéré comme une métaphore de l’âme et le voyage en mer était un symbole de la destinée humaine, malmenée par les événements. Les thèmes marins avec des naufrages et des tempêtes avaient pour objectif de rappeler au spectateur, en particulier aux marins et aux armateurs, la fragilité humaine et la puissance divine.

La forme typique des vagues représentées sur le tableau répond à la convention de l’époque dans leur représentation, on les appelle “vagues fantastiques” car elles sont issues de l’imagination du peintre qui cherche à fixer en atelier un mouvement en perpétuel changement : ce défi artistique souligne l’impermanence des choses.

Ce tableau est visible au sein de l’exposition permanente, vous pourrez le (re)découvrir à la réouverture du musée !

Dernier détail du mois de l’année : Saint Jean et Jésus

Le détail du mois de décembre présente une œuvre plutôt rare, un tondo, que l’on doit à un peintre anonyme, connu sous le nom de maître du tondo Campana. Un tondo est un terme italien désignant une peinture de forme ronde, celui-ci représente la Sainte famille en adoration devant l’enfant Jésus.

Le maître du tondo Campana était a priori un peintre florentin, qui travailla dans l’atelier du Pérugin, célèbre artiste de la Renaissance, qui fut le maître de Raphaël. En effet, il est documenté que le Pérugin, alors à la mode, aurait loué un atelier, une bottega, à la fin du XVe siècle dans la ville de Florence, produisant principalement de la peinture dévotionnelle. 

Le tableau de La Fère illustre l’influence du Pérugin par sa manière douce et élégante, qui reprend des motifs mis au point par le chef de l’atelier.
Le détail vous dévoile une représentation de saint Jean-Baptiste, en adoration devant l’enfant Jésus. Jean-Baptiste est souvent représenté en compagnie de Jésus car la tradition en fait des cousins. Pour l’identifier, le peintre l’a vêtu de son habit d’ascète qui symbolise sa vie en tant qu’ermite, ainsi qu’un bâton crucifère renvoyant à la future crucifixion de Jésus dont Jean a eu la prémonition. Il faut aussi préciser que ce saint était fort populaire à Florence, puisqu’il était un des saints patrons de la ville.
Ce tableau, restauré en 2017, a fait l’objet au mois de novembre d’un nouveau système de fixation pour pouvoir être présenté au public dans de bonnes conditions. Vous pourrez bientôt le redécouvrir au musée Jeanne d’Aboville ! L’équipe vous souhaite une belle fin d’année.

Détail du mois de novembre : un joueur de vielle un peu louche…

Le détail du mois de novembre vous présente un musicien visible sur une scène d’auberge, conservé dans les réserves du musée. On ignore l’auteur de ce tableau même si on sait qu’il s’est inspiré de Jacques Callot pour ce personnage.

Jacques Callot (1592-1635), est un dessinateur et graveur lorrain surtout connu un maître de l’eau-forte, un procédé de gravure en taille douce. Ici l’artiste anonyme s’est inspiré de sa série « les Gueux » constituée de vingt-cinq estampes réalisées en 1623, qui représentent des mendiants d’Italie, dans diverses situations pour illustrer les malheurs de la condition humaine. Il s’agit plus précisément d’une copie de la deuxième estampe de la série, représentant un joueur de vielle.

Ce personnage archétypal symbolise les musiciens de rue, tout spécialement les « vielleux », les joueurs de vielle à roue. La vielle à roue apparaît au Moyen-Âge : d’abord instrument de cour, la vielle fut détrônée par le piano-forte et son usage fut alors plutôt réservé à la musique populaire. Il symbolise la frange la plus pauvre de la population des villes de la période moderne, souvent considérée comme marginale. Le joueur de ville devient dans l’imaginaire collectif un mendiant aveugle dont le seul bien est sa vielle, qui lui permet de subsister.

Vous ne pourrez pas découvrir cette œuvre au musée au mois de novembre mais elle sera visible lors d’un événement en 2021, patience ! Passez un beau mois de novembre.

Détail du mois d’octobre : un évêque miniature…

Le détail du mois d’octobre est issu d’une crucifixion attribuée à Martin Schongauer et son atelier. Artiste majeur de la Renaissance nordique, il influence par ses gravures Michel-Ange et Albrecht Durer.
Le personnage que nous voyons, placé à une échelle réduite, est un évêque représenté en orant, c’est-à-dire en adoration. Près de l’évêque, des armoiries ressemblant à celle de Caspar Ze Rhin (zu Rhein), prince évêque de Bâle de 1479 à 1502, semblent nous indiquer l’identité du personnage. Son blason à deux lions rouges debout et deux crosses de Bâle, le signale comme donateur, comme c’est le cas dans la plupart des portraits réalisés sur des peintures à but religieux.
Le donateur est placé à proximité directe la croix où a lieu la crucifixion, sur le Mont Golgotha, nommé aussi « Lieu du Crâne ». Le crâne déposé au sol, traditionnellement identifié comme celui d’Adam, symbolise le passage de la mort à la Résurrection. La tradition chrétienne enseigne que le sacrifice du Christ, puis sa résurrection trois jours après, pardonne le péché originel dont Adam était responsable et apporte de ce fait le salut de l’humanité.
Pour découvrir l’ensemble de l’œuvre, venez au musée Jeanne d’Aboville pour l’exposition « la Peinture dévisagée » ! Ce tableau sera également évoqué à l’occasion de la conférence de l’historien de l’art Christophe Brouard qui a lieu le 24 octobre à 17h à l’espace Drouot de La Fère.

Détail du mois de septembre : un fameux portrait

Le détail du mois de septembre célèbre sans surprise le Portrait de famille néerlandaise récemment revenu de restauration et présenté à partir de ce mois-ci dans l’exposition « la Peinture dévisagée », consacrée à l’art du Portrait au sein des Collections du musée.
Œuvre d’un peintre anonyme du milieu du XVIIe siècle, ce tableau présente une famille élargie, dont les plus jeunes membres, incarnant l’avenir et la suite de la dynastie familiale, sont placés avantageusement au premier plan. L’un des plus jeunes garçons jette un regard hardi vers le spectateur. Tenant un verre à la main, il illustre le fait que la famille est représentée selon le modèle de la « tablée » : les personnes sont réunies autour d’une table pour un moment de convivialité que le peintre semble interrompre.
L’imposante aiguière de faïence bleue et blanche qui se trouve derrière le jeune homme est un témoignage de l’importance prise par l’industrie de la céramique au Pays-Bas, qui rayonne sur toute l’Europe grâce à la faïence de Delft, à partir du XVIIe siècle. Le bleu de Delft devient célèbre grâce à la finesse des pièces, à la qualité de leur émaillage, et leurs décors peints imitant le style chinois.
Pour découvrir l’ensemble de l’œuvre, venez au musée Jeanne d’Aboville découvrir la nouvelle exposition à partir du 19 septembre ! L’entrée est gratuite pour le week-end d’ouverture dans le cadre des Journées Européennes du Patrimoine, vous pourrez y découvrir l’exposition accompagnée d’animations spéciales à cette occasion !

Détail du mois d’août : bientôt l’Assomption..

Le détail du mois est consacré à une copie ancienne d’une œuvre de Gaudenzio Ferrari, peintre, sculpteur et architecte italien actif en Lombardie dans la première moitié du XVIe siècle, et très influencé par Léonard de Vinci. Cette copie représente les lamentations du Christ, épisode de la Déploration, quand le cadavre de Jésus est décroché de la croix et posé près de sa mère en pleurs. l’original est visible au Musée des beaux-arts de Budapest.

Cet événement de la Passion a donné lieu à de multiples interprétations iconographiques à partir du Haut Moyen Âge en Occident, où les artistes ont cherché à fixer les expressions d’affliction, de manière plus ou moins spectaculaire. Ici Ferrari choisit un cadrage resserré pour mieux mettre l’accent sur les visages, avec celui du Christ défunt, le corps soutenu par sa mère Marie. La femme à gauche, vêtue de couleurs vives, est Marie-Madeleine, une des rares témoins des derniers instants du Christ. Le visage de Marie, représenté en larme, illustre le thème de la Vierge de Pitié, souvent présent dans les pietà, au cadrage encore plus serré.

Pour découvrir l’ensemble de cette œuvre, il faudra participer aux visites de l’Assomption du 10 au 15 août 2020, elle fera partie des pièces inédites qui seront présentées lors de cette visite thématique sur l’iconographie de la Vierge !

Détail du mois de juillet : une Charité en voyage

Le détail du mois est consacré à un tableau italien représentant une allégorie de la Charité par Alessandro Varotari, dit Padovanino (Padoue, 1588 – Venise, 1649). Alessandro Varotari, formé à Padoue, marque la première moitié du XVIIe siècle par une exploration a posteriori de l’œuvre de Titien. Héritier d’une famille d’artistes, son père, son grand-père et sa sœur étant des peintres reconnus, il se distingue par la précision de son travail.

La figure féminine qui joue avec un enfant, juché sur ses épaules, incarne donc la Charité. La charité devient la reine des vertus sous l’ère chrétienne en incarnant l’amour de Dieu et du prochain. Elle devient une vertu théologale, c’est-à-dire une notion qui guide le croyant dans son rapport au monde et à Dieu. Dans la tradition iconographique chrétienne, la représentation imagée de la Charité est souvent celle d’une jeune femme allaitant des nourrissons. Le sujet allégorique est ici rendu à l’essentiel par un cadrage très serré et une gamme de couleurs limitée.

Cette pièce est partie en dépôt à la Préfecture de l’Aisne, vous pouvez toujours découvrir au musée une autre version allégorique de la Charité par l’atelier de Salvati !

Détail du mois de juin : bouffon, thyrse et carreau de pavement…

Le détail du mois est exposé dans la nouvelle présentation des pièces archéologiques du musée et n’était pas exposé auparavant. Il provient d’éléments de pavements, qui ont été trouvés dans les remblais de l’ancien cimetière de la Collégiale Saint-Montain de La Fère.
Les pavements de carreaux décorés glaçurés sont une création typiquement médiévale qui s’est répandue de manière importante durant le XIIe siècle à la fois en France et en Angleterre. Ce carreau date pour sa part du XVe siècle.
Le personnage représenté évoque sans doute la figure d’un bouffon, avec un bonnet avec des oreilles animales factices et un thyrse, grand bâton évoquant un sceptre souvent orné de feuilles de lierre et surmonté d’une pomme de pin, qu’on fabriquait pour les fêtes populaires.
Pour découvrir l’ensemble de cette pièce, venez la découvrir au musée Jeanne d’Aboville dans la nouvelle présentation de la section archéologique !

Détail du mois de mai : symboles et esclavage…

Pour ce 10 mai 2020, à l’occasion de la 15ème Journée nationale des mémoires de l’esclavage, des traites et leurs abolitions et en partenariat avec la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, le musée consacre son détail du mois à cette représentation d’esclave, visible sur l’Allégorie du Goût, issu de l’atelier anversois de la famille Brueghel. Le raffinement affiché des détails montre l’influence de Rubens, qui possédait également un atelier dans cette ville.

Réalisé à une époque florissante, où Anvers est l’un des grands ports commerciaux à l’échelle mondiale, ce détail illustre l’importance du tristement célèbre commerce triangulaire dans la réussite économique de la ville. Si le port d’Anvers n’était pas un port négrier à proprement parler, il a néanmoins alimenté ce commerce, en armant des navires espagnols notamment.

La représentation de l’esclave noir symbolise les terres exotiques qui font la richesse des commerçants anversois, il incarne l’allégorie de l’Afrique. Il est représenté avec une coupe à boire et à proximité des contenants pour la boisson, indiquant qu’il est utilisé comme domestique. Les représentations de domestiques noirs restent rares dans la peinture flamande du XVIIe siècle car leur présence était exceptionnelle : avoir un Noir à son service était un signe extérieur de richesse car on l’avait fait venir à prix d’or depuis les comptoirs de Guinée.

Pour découvrir l’ensemble de l’oeuvre, il faudra attendre la réouverture du musée, mais si vous êtes curieux, vous pouvez retrouver le tableau ici.

#journéedemémoiredelesclavage

Détail du mois d’avril : une volaille exotique…

Le détail du mois d’avril vient d’une Nature morte aux fleurs et aux oiseaux tout juste restaurée, œuvre de Nicolas Casissa ( avant 1700 – 1731 ). La vie de ce peintre est mal connue mais il fit toute sa carrière à Naples avec quelques voyages à Rome. Son style s’est sans doute imprégné des productions d’Abraham Brueghel, spécialiste flamand des natures mortes de fleurs qui s’était établi à Naples. Nicolas Casissa se spécialise également dans les fleurs et les oiseaux, produisant quantité de natures mortes où il fait varier son sujet à l’infini.

Le détail présenté ici montre la rencontre entre le naturalisme hérité du Caravage avec le goût sensuel du Baroque pour la couleur. L’oiseau choisi par le peintre pour cette composition s’y prête bien puisqu’il s’agit d’un ara rouge, ou ara macao, grand perroquet au plumage chamarré vivant dans les forêts tropicales américaines. Objet de luxe et d’exotisme au XVIIIe siècle, car il faut le faire venir à prix d’or d’Amérique du Sud, il sert également pour symboliser le voyage aux Indes, ou encore l’éloquence.

Si ce détail vous a donné envie de (re)découvrir le reste du tableau, il faudra attendre la réouverture du musée, où vous pourrez apprécier le tableau rendu lumineux par son nettoyage et sa restauration récente !

 

Crédits photo : MP Barrat