Détail du mois de juillet : épines, turban et paysage flamand

Le détail du mois de juillet provient d’une Déploration du Christ : il s’agit de l’épisode qui suit la Descente de croix dans l’histoire de la Crucifixion. Œuvre d’un peintre anonyme, il est à situer dans le cercle des Maniéristes anversois : ce groupe de peintres est actif à Anvers entre 1500 et 1530 et se caractérise par l’exubérance de la décoration et des drapés et par les expressions des personnages. Revendiquant à la fois l’héritage du style gothique tardif et intégrant les innovations italiennes de la Renaissance, les peintres de cette école emploient de larges gammes de couleurs et introduisent beaucoup de mouvement.
Le détail présenté ici montre un homme récupérant la couronne d’épines portée par le Christ durant la Passion. Ce personnage est identifié comme Joseph d’Arimathie, présenté dans le Nouveau Testament comme l’homme chargé de réclamer la dépouille de Jésus aux autorités romaines, pour lui offrir un enterrement décent, dans son propre caveau familial. La tradition médiévale l’a souvent représenté coiffé d’un turban comme une incarnation de l’Orient, tradition reprise dans l’œuvre de La Fère. Ce personnage gagnera en importance au XIIe siècle, en étant identifié comme le premier propriétaire du Graal dans les romans de chevalerie du cycle arthurien.
Le paysage présent à l’arrière-plan du détail est également intéressant car son choix de couleurs, typique de la peinture flamande montre l’influence de la génération de peintres célèbres, notamment Joachim Patinier et Henri Bles.
Ce tableau est présenté en salle des Primitifs au musée, vous pouvez également le découvrir à l’occasion de la visite consacrée aux Renaissances à La Fère en juillet et en août uniquement sur réservation !

Détail du mois de mai : nuages, faux monogramme et pêche à pied…

Le détail du mois de mai provient d’un paysage fluvial avec une tour en ruine, œuvre d’un peintre anonyme hollandais du XVIIIe siècle. Ce tableau montre la grande, et durable, influence de Jan van Goyen (1596 –1656) sur la manière de faire des paysages en Hollande. Ce tableau a d’ailleurs été longtemps pris pour une production du Maître, les observateurs s’appuyant sur un monogramme VG au premier plan du tableau qui s’avère être une fausse signature, ajoutée, sans doute par un marchand d’art peu scrupuleux du XIXe siècle, pour donner plus d’importance au tableau.

Si l’influence de Van Goyen sur cette oeuvre est incontestable, avec la forte présence du ciel et des effets atmosphériques produits par les nuages, la lumière chaude qui en émane témoigne également d’influences plus tardives, notamment celles des peintres italianisants, qui insufflent à leur production une ambiance méditerranéenne.
Si des pêcheurs sont présents sur le voilier, on retrouve également un pêcheur à pied au premier plan, un motif très courant dans la peinture hollandaise. En effet, en plus d’animer les abords de la rivière, la représentation des activités de pêche renvoie au quotidien pour les possibles acheteurs du tableau : met essentiel en temps de Carême, le poisson est également un secteur économique important, qu’il s’agisse des poissons d’eaux douce dont regorgent alors les rivières et canaux des Pays-Bas, ou de morues et harengs péchés en haute-mer.

Vous pouvez découvrir ce tableau dans la salle consacrée au Siècle d’Or hollandais du musée, à bientôt !

Détail du mois d’avril : craquelures, militaire et porcelaine…

Le détail du mois d’avril provient d’une œuvre des réserves. Il s’agit d’une scène militaire, imitant le style d’un peintre français de la fin du XVIIIe siècle, célèbre pour ses scènes de batailles à cheval : Jacques Swebach-Desfontaine. Il fut le premier peintre de la manufacture de Sèvres de 1802 à 1813, créant de nombreux cartons pour celle-ci : ses œuvres reproduites sur porcelaine ont été abondamment diffusées et ont contribué à sa popularité.

Cette popularité va provoquer la convoitise des faussaires du XIXe siècle : en effet, son style est copié pour vendre les peintures produites comme étant de sa main. C’est le cas de la scène militaire visible ici, qu’un faussaire a artificiellement vieilli. Ce vieillissement est perceptible dans le réseau de craquelure prononcé qui parcourt le tableau : larges et en surface, ces craquelures sont réalisés de manière artificielle pour faire paraitre le tableau plus ancien qu’il ne l’est réellement.
Les craquelures d’âge ont plutôt tendance à être fines et profondes et les craquelures feintes sont relativement faciles à identifier tant par leur aspect irrégulier que par leur étendue homogène sur le tableau. Le faussaire provoque ce type de craquelures par des chocs thermiques – parfois en passant le tableau au four ! – ainsi qu’en exposant successivement le tableau à une forte humidité puis à un brusque séchage. Il peut également ajouter des produits desséchants dans ses pigments pour que la peinture se craquelle.

Pour en savoir plus sur le vieillissement naturel ou non des œuvres, vous pouvez découvrir au musée l’exposition Des Collections révélées consacrée aux restaurations réalisées au musée !

Détail du mois de mars : vedute, cheval et staffage…

Le détail du mois de mars provient d’un paysage de ruines, œuvres du vénitien Francesco Albotto (vers 1721 – 1757). Il a été élève de Michele Marieschi et à la mort de ce dernier (1743) il en épousa la veuve, Angela Fontana. Excellent copiste et d’une grande maîtrise technique, la grande majorité de sa production s’inspire de l’œuvre des maîtres de vedute de la première moitié du XVIIIe siècle.
Les vedute (de veduta, qui signifie « vue ») sont d’un genre pictural basé sur la représentation de paysages urbains dans laquelle de nombreux peintres vénitiens se spécialisent. Le rigorisme géométrique des perspectives des vedute laisse parfois place aux caprices, c’est-à-dire la représentation d’un paysage imaginaire ou partiellement imaginaire, combinant des bâtiments, des ruines et autres éléments architecturaux de façon fictive et souvent fantastique. C’est le cas de cette production d’Albotto, combinant des ruines antiques et un étrange cheval empaillé posé sur un piédestal.
La scène est complétée par des personnages, aux tenues fantaisistes pouvant être orientalisantes ou pittoresques, ajoutés pour animer la scène : on parle alors de staffage. Le mot staffage (du mot allemand stafferen, décorer) désigne les figures humaines d’une scène, en particulier dans les paysages, qui ne sont pas le sujet principal de l’œuvre.
Ce tableau est présenté dans le cadre de l’exposition Des Collections révélées et vous pourrez découvrir le tableau avant restauration via votre smartphone. A bientôt au musée !

Détail du mois de février : un berger caravagesque…

Le détail du mois de février provient de Berger assis et son troupeau de chèvres, œuvre anonyme d’un artiste italien ou hollandais de la première moitié du XVIIe siècle. En effet, la forte influence de la peinture du Caravage sur cette toile pourrait aussi bien être l’œuvre d’un peintre italien que d’un des membres des Caravagesques d’Utrecht, un groupe de peintres qui a exporté les techniques du Maître en Hollande.

L’artiste semble en tout cas se situer dans le mouvement du caravagisme, diffusé bien au-delà de l’Italie. Rome est au début du XVIIe siècle le centre artistique par excellence et des artistes de tous les pays viennent y travailler et découvrent l’œuvre du Caravage. Dans l’atmosphère de révolution picturale qu’il incarne, beaucoup d’artistes européens suivent la voie qu’il établit et appliquent avec succès la fameuse Manfrediana Methodus qui est une recette pour imiter le style du Caravage, relayée par son premier disciple, Manfredi.

La thématique de notre toile renvoie également au style caravagesque par son sujet naturaliste, qui s’inspire des personnages des classes populaires italiennes, traité avec réalisme. Comme souvent à cette époque, on peut également trouver une connotation religieuse à cette peinture. Le Christ est souvent comparé à la figure du bon pasteur, et saint Jean-Baptiste est également berger : ses attributs sont la houlette de berger et le troupeau. L’animal guidé par le pâtre est une personnification du fidèle, tout comme l’animal, élevé pour sa chair ou son lait, pourrait aussi évoquer le sacrifice du Christ.

Pour découvrir cette peinture, rendez-vous au musée Jeanne d’Aboville, où l’on attirera tout spécifiquement votre attention sur cette oeuvre dans le cadre de l’exposition Des Collections révélées à partir du 29 février !

Détail du mois de janvier : des mages généreux…

Le détail du mois de janvier revient sur un épisode d’actualité avec une Adoration des Mages ! Œuvre d’un faussaire allemand du milieu du XIXe siècle, son style imite les œuvres du XIVe siècle produites en Bavière, en Autriche et en Bohême.

On y voit les trois rois-mages différenciés par la couleur de leur robe et la nature de leur présent. Les mages sont nommés à partir du IXe siècle après Jésus Christ et se voit rattacher chacun un présent de manière spécifique : Melchior offrit l’or de la royauté ; Gaspard l’encens pour évoquer la divinité ; Balthasard apporte la myrrhe, un parfum qui servait à embaumer les morts dans l’Antiquité faisant allusion à la mort du Christ, mais aussi à sa résurrection.
Un récit oriental de l’Antiquité tardive explique à ce propos que les mages entendent mettre Jésus à l’épreuve afin de connaître sa nature exacte : s’il est roi, il choisira l’or, s’il est prêtre, l’encens, et s’il est médecin, il optera pour la myrrhe. L’enfant déconcerte les trois sages en choisissant les trois présents.
Les mages sont également représentés avec des barbes de longueur différentes pour suggérer des différences d’âges : les trois réunis symbolisent les trois âges de la Vie.

Ce tableau des réserves n’est actuellement pas visible mais vous pouvez découvrir une autre spectaculaire Adoration des Mages en salle anversoise ! On vous souhaite une belle fête de l’épiphanie, n’abusez pas (trop) de la galette !

Détail du mois de décembre : contraste, guerre napoléonienne et vaches…

Le détail du mois vous présente une œuvre attribuée à Petrus Gerardus van Os (1776-1839) représentant un berger et son troupeau dans un paysage. Van Os est un peintre de La Haye, formé par son père lui-même peintre et spécialiste des natures-mortes. Il suit les pas de son père après un passage dans l’armée (il participe notamment au siège de Naarden pendant les Guerres napoléoniennes), et devient professeur de dessin jusqu’à sa mort. II s’est exercé dans tous les genres et dans toutes les disciplines, passant de la peinture à l’aquarelle, la gravure, la lithographie ou la miniature.

Petrus Gerardus van Os appréciait dans son travail les effets de lumière contrastés. Ici il renforce tout particulièrement cet effet en faisant se côtoyer une vache blanche et une vache noire. L’attention au détail se perçoit dans l’ombre portée de la corne de la seconde vache. Une autre caractéristique de son travail est le rendu naturaliste des animaux, typique des peintres tardifs de La Haye, soucieux de rendre les anatomies et les volumes avec exactitudes.

Ce tableau provient des réserves et n’est actuellement pas visible dans l’exposition permanente mais d’autres œuvres représentant des paysages animés sont bien sûr exposées au musée. On vous propose même de revenir sur le rôle du bœuf de la crèche de Noël à l’occasion de la visite du 23 décembre !

Détail du mois de novembre : ange, phylactère et vaisselle flamande…

Le détail du mois provient d’un triptyque de la salle des Primitifs représentant sur son panneau central une adoration des Mages réalisée par l’atelier anversois de Pieter Coecke van Aelst, actif dans la première moitié du XVIe siècle. Notre détail provient du volet gauche représentant l’Annonciation.

On y voit la représentation de Gabriel, l’ange de l’Annonciation qui désigne le ciel et déploie un phylactère. Un phylactère est un moyen graphique semblable à une petite banderole, sur laquelle se déploient les paroles prononcées par le personnage dépeint, ici on peut y lire Ave gratia plena, dominus tecum, soit « Je te salue, pleine de grâces, le Seigneur est avec toi ». L’ange est somptueusement vêtu et paré car les peintures de l’atelier de Pieter Coecke van Aelst était célèbre pour leurs détails décoratifs d’une certaine préciosité.
A l’arrière-plan, on peut voir de la vaisselle d’étain posée sur une armoire, que l’on s’attend davantage à retrouver dans une maison bourgeoise des Flandres que dans l’habitat de Marie en Palestine, les peintres interprètent alors le décor des scènes bibliques avec une grande liberté et les scènes de l’annonciation sont généralement l’occasion d’expérimentation sur la profondeur avec des jeux de perspectives.

Ce tableau était parti en restauration et revient au cours du mois de novembre et vous aurez l’occasion de le redécouvrir nettoyé et consolidé. En effet, on peut voir une fissure qui court dans le bois et dont l’état a nécessité une intervention des restaurateurs. A bientôt au musée pour le voir en entier !

Détail du mois d’octobre : Roi, chasse et lièvre…

Le détail du mois d’octobre est consacré à la représentation du roi sans doute le plus emblématique de l’histoire de France, Louis XIV ! Ici peint par l’atelier florissant d’Adam François van der Meulen (1632-1690), il témoigne du style baroque adopté par ce peintre, bruxellois d’origine mais entrée au service du roi de France en 1662. Spécialiste des chevaux et des paysages, il est célèbre pour ses scènes de chasse et de bataille : son talent est reconnu par le Roi en personne qui lui accorde une pension. Il accompagne Louis XIV dans tous ses voyages, dans toutes ses résidences, et dans toutes ses guerres.

Le détail ici présenté évoque un départ de chasse, Louis XIV est figuré sur un cheval blanc, vêtu d’un habit de chasse somptueux. La pratique de la chasse était alors un loisir réservé à la noblesse, qui en détenait le privilège. Le roi devait donc marquer son rang devant la cour en étant un chasseur assidu. Il s’agit alors de chasse à courre, et le roi va se déplacer accompagné d’un équipage de vénerie nombreux, pouvant atteindre trois-cents personnes ! On peut voir des nobles qui l’assistent à pied ou à cheval, à l’image du second cavalier sur le détail qui tient un lièvre par les pattes-arrières.

Pour découvrir cette œuvre magistrale en entier, une date à retenir : le 7 octobre prochain ! En effet le tableau sera dévoilé au public à l’issue de sa restauration lors de l’après-midi avec Louis XIV où restaurateurs et historiens vous en dévoileront tous les secrets !

Détail du mois : une abbaye, des nuages et beaucoup de talent…

Le détail du mois de septembre vous présente l’un des plus beaux paysages réalisés par Salomon Ruysdael (Naarden, vers 1600– Haarlem, 1670), un des grands maîtres de ce genre au XVIIe siècle. Spécialiste des paysages de rivières, d’estuaires ou de dunes, Salomon Ruysdael commence sa carrière à Haarlem et restera toute sa vie aux Pays-Bas. Oncle du célèbre Jacob van Ruisdael (Haarlem, 1628 – Amsterdam, 1682), il entreprend sa formation.

Ce détail est tout à fait typique de son style, avec les effets atmosphériques du ciel et le troupeau venant animer le paysage, mais il est surtout remarquable par la présence de ruines de deux édifices religieux. En effet, le bâtiment semi-détruit est identifié comme l’abbaye d’Egmond, ou abbaye Saint-Adalbert, un monastère bénédictin, situé en Hollande-Septentrionale. L’abbaye fut détruite en 1573, pendant la guerre des quatre-vingts ans qui voit les Hollandais lutter contre les Espagnols. L’abbaye sera laissée à l’état de ruines par les Gueux de mer, une milice hollandaise protestante de corsaires et d’aventuriers qui agit pour le compte de Guillaume d’Orange, le principal constructeur de l’indépendance néerlandaise. Le clocher de l’arrière-plan appartient, lui, à l’ancienne église paroissiale, la Buurkerk, du village voisin de Binnen.

Pour découvrir le reste du tableau, il faudra vous rendre au musée pour le voir parmi d’autres chefs-d’œuvre du Siècle d’Or hollandais. Pensez notamment au week-end des Journées Européennes du Patrimoine les 16 et 17 septembre, où le musée sera ouvert gratuitement le samedi et le dimanche de 10h à 17h30 !