Détail du mois de mars : peintre précieux, gros livre et vieille dame…

Le détail du mois de mars vous présente un intéressant petit panneau, intitulé « Intérieur hollandais avec vieille femme lisant » de Jacob van Spreeuwen. Né à Leyde vers 1609 ou 1610, Jacob van Spreeuwen y travaille toute sa vie. Ses derniers tableaux connus datent de 1658, la date de sa mort est incertaine.
L’influence du peintre Gerard Dou semble par contre essentielle dans sa production de scènes de genre dans le style des fijnschilders. Les Fijnschilders, parfois traduit en français par peintres précieux, sont les artistes hollandais qui, entre 1630 et 1710, se sont employés à représenter la réalité avec un maximum de précision.
La scène représente une femme assise sur une chaise basse qu’on trouvait généralement à proximité d’une cheminée pour en exploiter la chaleur. Le gros livre qu’elle tient sur ses genoux est sans doute un livre religieux même si les Hollandais avaient accès à d’autres lectures. Les femmes hollandaises sont alors parmi les plus lettrées d’Europe et même les filles des classes les moins aisées peuvent accéder à l’école, la maitrise des lettres et des chiffres étant nécessaire pour nombre de métiers exercés dans les Pays-Bas septentrionaux.
Si l’éducation a des vertus d’émancipation, le tableau est néanmoins nuancé par la présence, à l’arrière de la chaise, du rouet symbole du travail domestique féminin au sein des maisons.

Vous pourrez découvrir ce tableau des réserves durant la visite « les Femmes du musée » consacrée à l’iconographie féminine au sein des collections le 8 mars prochain. Petit bonus, cette visite est gratuite pour les femmes !

Une tabagie

Ce tableau est décrit comme un Intérieur de taverne du XVIIe siècle, peint par un peintre flamand anonyme, qui gravitait sans doute autour de l’atelier bruxellois de David Teniers le Jeune (1610-1690). En effet, Tenier est le plus connu des peintres de genre de son époque, il a particulièrement développé le genre paysan, dont les scènes de taverne, créant de véritable recettes de composition que les autres peintres appliquaient.
Dans ces scènes de taverne on peut voir des hommes buvant, jouant et fumant, renvoyant au rôle éminemment social du tabac à cette époque : il est déjà source de polémique et soulève des problématiques qui nous sont totalement contemporaines.
L’herbe à Nicot, du nom de l’ambassadeur qui introduisit le tabac en Europe, était connue au Pays-Bas en qualité de plante médicinale dès la fin du XVIe siècle. On prit l’habitude dans priser et d’en fumer les feuilles assez rapidement et cette pratique avait gagné toutes les couches de la population des Pays-Bas avant 1625. Associés aux boissons dans les tavernes, les fumeurs sont assimilés au buveur d’alcool, on utilise alors l’expression boire une pipe de fumée.
Le tabac à priser devient très courant, accessible même aux couches les plus pauvres de la population. D’abord vendu par les apothicaires, il devient l’objet d’un commerce spécialisé. Les aubergistes en tenaient dépôt pour leurs clients.
On fume le tabac à l’aide de longues pipes de terre cuite au fourneau étroit. Plus rarement on utilise des pipes en argent, qui produisent une fumée âcre, comme sur notre tableau. Il existait dans les seuls Pays-Bas du Nord une dizaine de fabrique de pipes, les plus illustres était celles de Gouda.


Le tabac connait alors un tel succès qu’on cherche à limiter les endroits où fumer, car seules les églises y échappent. Les princes et les villes ont frappé de lourdes taxes le commerce du tabac et organisent des campagnes d’affichage pour mettre la population en garde. Seules les dames de la noblesse et de la grande bourgeoisie répugnent  à cette pratique, jugée malpropre. On a même trace de contrat de mariage entre deux nobles ou l’épousée introduit une clause interdisant à son mari de fumer dans la maison.
On commence alors à associer le tabac à la vie dissolue menée par les messieurs qui vont fumer dans des tavernes appeler tabagies, où l’on jouait et buvait. Le tabac devient alors un signe de rébellion et de débauche.

L’usage du tabac est encore largement répandu dans le monde,  aujourd’hui 13% des décès en France sont imputables au tabac.