Détail du mois de juillet : épines, turban et paysage flamand

Le détail du mois de juillet provient d’une Déploration du Christ : il s’agit de l’épisode qui suit la Descente de croix dans l’histoire de la Crucifixion. Œuvre d’un peintre anonyme, il est à situer dans le cercle des Maniéristes anversois : ce groupe de peintres est actif à Anvers entre 1500 et 1530 et se caractérise par l’exubérance de la décoration et des drapés et par les expressions des personnages. Revendiquant à la fois l’héritage du style gothique tardif et intégrant les innovations italiennes de la Renaissance, les peintres de cette école emploient de larges gammes de couleurs et introduisent beaucoup de mouvement.
Le détail présenté ici montre un homme récupérant la couronne d’épines portée par le Christ durant la Passion. Ce personnage est identifié comme Joseph d’Arimathie, présenté dans le Nouveau Testament comme l’homme chargé de réclamer la dépouille de Jésus aux autorités romaines, pour lui offrir un enterrement décent, dans son propre caveau familial. La tradition médiévale l’a souvent représenté coiffé d’un turban comme une incarnation de l’Orient, tradition reprise dans l’œuvre de La Fère. Ce personnage gagnera en importance au XIIe siècle, en étant identifié comme le premier propriétaire du Graal dans les romans de chevalerie du cycle arthurien.
Le paysage présent à l’arrière-plan du détail est également intéressant car son choix de couleurs, typique de la peinture flamande montre l’influence de la génération de peintres célèbres, notamment Joachim Patinier et Henri Bles.
Ce tableau est présenté en salle des Primitifs au musée, vous pouvez également le découvrir à l’occasion de la visite consacrée aux Renaissances à La Fère en juillet et en août uniquement sur réservation !

Visite combinée “Les Renaissances à La Fère”

Visite de l’église Saint-Montain de La Fère pour découvrir des éléments Renaissance du monument et découvrir l’exposition consacrée à Marie de Luxembourg suivi d’une visite des collections Renaissance du musée Jeanne d’Aboville.

La Renaissance est sans doute la période la plus célèbre de l’Histoire de l’Art, période politique compliquée en Europe accompagné d‘un intense bouillonnement intellectuel et de changements profonds dans la société, les peintures produites à cette période restent pour beaucoup iconiques jusqu’à aujourd’hui. Le musée Jeanne d’Aboville vous propose d’aller à la rencontre de cette période faste en une visite double : d’abord pour découvrir les éléments Renaissance qui décorent l’église Saint-Montain de La Fère, édifice classé aux monuments historique et rare exemple survivant de ce type d’architecture dans la région. Ce sera l’occasion d’évoquer une figure locale incontournable pour cette période : Marie de Luxembourg, avec une exposition qui lui est consacrée au sein de l’édifice.

Il sera ensuite proposé aux visiteurs d’aller au musée à la rencontre des rares peintures primitives conservées dans les Collections. Ces œuvres du début de la Renaissance sont de précieux témoignages de cette révolution artistique plurielle : de la douceur des tondi florentins à l’appréhension très différente des pays nordiques, cette visite vous propose de revenir sur les artistes qui ont posé les canons artistiques dont se nourrira l’art occidental sur les trois siècles suivants.

Suivant les conditions de conservation (chaleur notamment), une ou deux œuvres des réserves seront également dévoilées lors de cette visite.

 

Les samedis 6 juillet, 20 juillet et 3 août de 10 h à 12h.

Sur réservation uniquement auprès du musée au 03 23 56 71 91 ou via musee-daboville@ville-lafere.fr

Détail du mois : pont, boulets et sculpteur…

Le détail du mois de juin est un peu spécial car il vous fait sortir du musée pour aller à la rencontre d’un auguste voisin se trouvant sur la place d’armes face au musée : la statue de l’Artilleur !
Œuvre d’Auguste Arnaud, comme l’indique le cartouche sur sa base, elle est réalisée entre 1856 et 1858. Charles Auguste Arnaud (1825 – 1883) est un sculpteur français qui réalise de nombreux bustes pour des particuliers et reçoit également des commandes publiques, comme celle de l’artilleur à l’origine réalisée pour le Pont de l’Alma à Paris. Cette commande a pour but de montrer les différentes corps d’armes de l’armée française victorieux de la Guerre de Crimée sous le Second Empire. Il réalise une statue monumentale représentant l’artilleur que l’on reconnait facilement aux objets l’accompagnant : un canon et ses boulets. La végétation stylisée à l’arrière-plan renvoie aux palmes de la Victoire.
Cet artilleur d’abord présent sur le pont parisien sera déplacé en 1974 à La Fère suite à la reconstruction du pont. Placé face aux casernes, il symbolise la présence séculaire de l’armée dans la ville, véritable berceau de l’artillerie française.
Pour découvrir en détail cet artilleur, on vous propose une conférence « Charles-Auguste Arnaud, itinéraire d’un sculpteur du siècle » dans le cadre de l’anniversaire des cinquante ans de l’installation de la statue à La Fère. Cette conférence sera animée par Christine Lancestremère, le samedi 15 juin à 16h à l’espace Drouot ! C’est gratuit !

Nouveau départ en restauration : la Vierge part se refaire une beauté…

photo par FRANCK BOUCOURT

Giacomo Raibolini dit Giacomo Francia (Bologne, 1484 – 1557) est un peintre de l’école bolonaise membre de la famille d’artistes italiens des Francia. Spécialisé dans les tableaux de dévotion privée, il réalise de nombreuses variations autour du thème de la Vierge à l’enfant dont le tableau de La Fère est un bel exemple.
L’apport important et l’influence de Raphael à ce thème se ressentent par le langage idéalisé et serein qui se met en place. Jésus est représenté avec Jean-Baptiste enfant, un thème alors très populaire. Jean le Baptiste est le prophète qui a annoncé la venue de Jésus de Nazareth et qui l’a baptisé sur les bords du Jourdain, d’où son surnom. Les deux personnages sont conventionnellement représentés ensemble quand ils sont enfants car ils appartenaient à la même famille : une tradition fait de Marie la cousine d’Élisabeth, mère de Jean le Baptiste et leurs enfants seraient nés à quelques mois d’intervalle.
La représentation sous des traits enfantins n’empêche pas le peintre d’évoquer le destin des personnages, Jean-Baptiste est représenté déjà vêtu de son habit d’ascète qui se retirera dans le désert. Il est également représenté avec un autre de ses attributs : le bâton crucifère en roseau, évoquant à la fois la future Passion et la Crucifixion du Christ. Le doigt pointé vers son cousin Jésus renforce le message de l’objet. Jésus quant à lui, le visage tourné vers sa mère, réalise un geste de bénédiction, déjà conscient de son statut.
Ce panneau présentant plusieurs altérations a été confié à la restauratrice Florence Adam, qui va intervenir de concert avec la restauratrice spécialiste de supports bois Juliette Mertens. En effet l’arrière du panneau est parqueté, c’est à dire stabilisé par des lattes de bois ajoutée a posteriori et il est nécessaires d’intervenir sur ses lattes qui contraignent le bois original. Florence Adam va également réaliser un nettoyage et une consolidation de la couche picturale dont certaines parties sont fragilisées.

La restauratrice Florence Adam présente les altérations qui doivent être traitées sur le panneau.

Ce tableau sera à redécouvrir en 2025, quand il aura retrouvé tout son éclat grâce aux travail des restauratrices. En attendant vous pouvez toujours découvrir au musée l’exposition des Collections révélées consacrée aux restaurations et aux restaurateurs !

Journée nationale des mémoires de l’esclavage, des traites et leurs abolitions

 

En ce 10 mai 2024, à l’occasion de la 18ème Journée nationale des mémoires de l’esclavage, des traites et leurs abolitions et en partenariat avec la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, le musée vous présente cette représentation d’esclave, visible sur l’Allégorie du Goût, issu de l’atelier anversois de la famille Brueghel. Le raffinement affiché des détails montre l’influence de Rubens, qui possédait également un atelier dans cette ville.
Réalisé à une époque florissante, où Anvers est l’un des grands ports commerciaux à l’échelle mondiale, ce détail illustre l’importance du tristement célèbre commerce triangulaire dans la réussite économique de la ville. Si le port d’Anvers n’était pas un port négrier à proprement parler, il a néanmoins alimenté ce commerce, en armant des navires espagnols notamment.
La représentation de l’esclave noir symbolise les terres exotiques qui font la richesse des commerçants anversois, il incarne l’allégorie de l’Afrique. Il est représenté avec une coupe à boire et à proximité des contenants pour la boisson, indiquant qu’il est utilisé comme domestique. Les représentations de domestiques noirs restent rares dans la peinture flamande du XVIIe siècle car leur présence était exceptionnelle : avoir un Noir à son service était un signe extérieur de richesse car on l’avait fait venir à prix d’or depuis les comptoirs de Guinée.

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Détail du mois de mai : nuages, faux monogramme et pêche à pied…

Le détail du mois de mai provient d’un paysage fluvial avec une tour en ruine, œuvre d’un peintre anonyme hollandais du XVIIIe siècle. Ce tableau montre la grande, et durable, influence de Jan van Goyen (1596 –1656) sur la manière de faire des paysages en Hollande. Ce tableau a d’ailleurs été longtemps pris pour une production du Maître, les observateurs s’appuyant sur un monogramme VG au premier plan du tableau qui s’avère être une fausse signature, ajoutée, sans doute par un marchand d’art peu scrupuleux du XIXe siècle, pour donner plus d’importance au tableau.

Si l’influence de Van Goyen sur cette oeuvre est incontestable, avec la forte présence du ciel et des effets atmosphériques produits par les nuages, la lumière chaude qui en émane témoigne également d’influences plus tardives, notamment celles des peintres italianisants, qui insufflent à leur production une ambiance méditerranéenne.
Si des pêcheurs sont présents sur le voilier, on retrouve également un pêcheur à pied au premier plan, un motif très courant dans la peinture hollandaise. En effet, en plus d’animer les abords de la rivière, la représentation des activités de pêche renvoie au quotidien pour les possibles acheteurs du tableau : met essentiel en temps de Carême, le poisson est également un secteur économique important, qu’il s’agisse des poissons d’eaux douce dont regorgent alors les rivières et canaux des Pays-Bas, ou de morues et harengs péchés en haute-mer.

Vous pouvez découvrir ce tableau dans la salle consacrée au Siècle d’Or hollandais du musée, à bientôt !

Départ du premier tableau de la campagne de restauration 2024

Le premier tableau de la campagne de restauration 2024 est une œuvre flamande des réserves aux vernis très oxydés. Elle représente le thème classique de Vertumne et Pomone.

PHOTO FRANCK BOUCOURT

Vertumne et Pomone est un mythe romain qui évoque la nymphe protectrice des arbres fruitiers, Pomone qui est poursuivie par les assiduités du dieu des changements, Vertumne. Celui-ci a le pouvoir de se transformer à volonté et va prendre la forme de plusieurs personnes pour faire l’éloge de sa personne auprès de Pomone mais celle-ci reste indifférente. Il prend finalement la forme d’une vieille femme qui peut approcher plus facilement Pomone et lui vante les vertus de l’amour et du mariage. Une fois Pomone convaincue, il change de forme et lui présente son vrai visage : elle tombe instantanément amoureuse.
Ce mythe a été représenté de nombreux fois dans l’art et ici, il s’agit de la version d’un peintre flamand, Jan Pauwel Gillemans, dit le Jeune, pour le distinguer de son père. Sous l’influence de son père spécialiste des natures mortes, Jan Pauwel le jeune réalise des tableaux décoratifs mettant en scène des fleurs et des animaux. Il fut élève de Joris van Son, également spécialiste des natures mortes, tout spécifiquement des représentations de fleurs et de fruits.

Jan Pauwel le jeune développe un style qui lui est spécifique, manifestant une appétence pour la représentation d’animaux exotiques : on trouve par exemple beaucoup de perroquets dans sa production. L’œuvre ici présentée comprend plusieurs espèces de perroquets mais également de manière plus incongrue un dodo, le célèbre oiseau de l’île Maurice dont l’espèce a aujourd’hui disparu et un kiwi, espèce en provenance de Nouvelle-Zélande.
Il a travaillé en collaboration avec des peintres de paysage et des peintres de figures, et on peut supposer que Peter Ykens, un autre peintre anversois, spécialiste des représentations humaines a réalisé sur cette peinture Vertumne, sous les traits d’une vieille femme, et Pomone.
Jan Pauwel Gillemans le Jeune a multiplié les déplacements entre les Flandres et la Hollande, il meurt lors d’un de ses voyages en tombant ivre dans un canal.
Le tableau va faire l’objet d’une restauration complète : le tableau a été rentoilé, ce rentoilage va être démonté pour être remplacé. Sa couche picturale va être décrassée et allégée de ses repeints et vernis assombris. Un vernis sera appliqué avant que le restaurateur réintègre les parties lacunaires avant vernissage final.

Un tableau à redécouvrir dans quelques mois !

Un départ groupé en exposition pour des événements autour des Primitifs allemands

Les peintures primitives, c’est à dire du début de la Renaissance, produites en Allemagne et présentes dans les Collections françaises ont fait l’objet d’un travail de recherches approfondie par l’INHA grâce à l’historienne de l’art Isabelle Dubois-Brinkmann.

Ce travail de recensement va aboutir à un travail de restitution auprès du grand public sous forme de trois expositions dans trois villes différentes du 4 mai au 23 septembre 2024 :

À l’appui de sa collection exceptionnelle, le musée des Beaux-Arts de Dijon dresse un panorama complet de la peinture germanique des XVe et début XVIe siècles.
« Maîtres et merveilles » met en lumière les grands noms de la période – tels que Dürer, Schongauer ou Cranach – et donne aussi à voir des œuvres et artistes moins connus.
Au prisme d’une sélection inédite, de nouveaux rapprochements et de réattributions, le musée des Beaux-Arts de Dijon propose des clés de lecture essentielles à la compréhension de la place de ces peintures à la fin du Moyen Âge.

La collection de peintures anciennes du Musée Unterlinden émane principalement de l’art à Colmar durant les derniers siècles du Moyen Âge. L’exposition permet, grâce à des prêts généreux provenant de musées et d’églises, de l’inscrire dans le cadre géographique plus large du Rhin supérieur : ce territoire, qui correspond plus ou moins à l’actuelle Alsace, s’étend de part et d’autre du Rhin, des Vosges à la Forêt Noire, et de Strasbourg au Nord à Bâle au Sud ; il abrite des villes riches, au grand dynamisme économique, qui sont autant de grands centres de production artistique : Bâle, Colmar, Fribourg-en-Brisgau et Strasbourg.
Le volet colmarien de l’exposition s’attache tout d’abord à répondre aux nombreuses questions que les visiteurs d’aujourd’hui peuvent se poser face à de telles œuvres : comment étaient-elles réalisées
aux 15e et 16e siècles ? Quelles fonctions avaient ces peintures considérées aujourd’hui comme des œuvres d’art ? Quelle était la nature des relations entre les peintres et leurs commanditaires ? Il invite ensuite ses visiteurs à une exploration stylistique, cherchant à leur faire saisir les spécificités de chaque centre de production, voire de chaque atelier, et les changements qui s’opèrent au fil du temps dans les goûts des commanditaires et les propositions des artistes.

Le musée de Besançon traite de la peinture germanique de la Renaissance en lien avec ses collections. En effet, du fait de son histoire – puisque la Franche-Comté fut rattachée au Saint-Empire du XIe au XIIIe siècle puis de 1493 à 1678 – Besançon conserve aujourd’hui un ensemble significatif d’œuvres tant pour la peinture que pour les arts graphiques grâce aux donations successives faites à la ville. Interrogeant les notions de frontières, géographiques mais aussi symboliques entre les sphères du privé, du public et du religieux, l’exposition présentera non seulement des œuvres des grands maîtres mais aussi d’anonymes, mystères encore manifestes de ces siècles passés, où tous travaillaient en ateliers, en corporations, en réseaux. Cette exposition a été pensée et conçue pour permettre le partage de ces connaissances à des publics variés.

 

Le musée Jeanne d’Aboville est le seul établissement prêteur pour les trois expositions, démontrant, s’il le fallait, le richesse de ses collections.  Les trois peintures qui quittent leurs cimaises pour quelques mois sont :

Saint Acace et les dix mille martyrs, réalisé par un suiveur du Maître de la Crucifixion de Blaubeuren partira à Besançon.

La Flagellation, attribué au Maître de la Crucifixion de Blaubeuren rejoindra le musée de Dijon

 

Et enfin la Crucifixion avec la Vierge Saint Jean et un donateur, que les recherches de Bodo Brinkmann ont permis de supposer qu’il s’agirait d’une oeuvre d’Albrecht Durer en personne, réalisée pendant son séjour à Bâle.

Une attribution qui va sans doute être fort commentée durant son exposition au musée Unterlinden (Colmar).

 

Vous pourrez revoir les œuvres au musée à l’automne !

Conférence : Juliette Mertens au chevet des support bois le 13 avril

Le 13 avril prochain, le musée vous convie à une conférence de la conservatrice-restauratrice Juliette Mertens, spécialiste de la conservation des supports bois.

Lors de son intervention, Juliette Mertens reviendra sur le métier méconnu de restaurateur de support des œuvres d’art en explicitant l’utilisation qui en a été faite à travers l’Histoire de l’art. De la fabrication à la restauration, cette conférence sera l’occasion de revenir sur le rôle fondamental des panneaux dans la conservation des chefs d’œuvres du musée Jeanne d’Aboville, dont les restaurations seront évoquées, entre autres cas.

 

La conférencière

Avant d’intégrer l’Institut français de restauration des œuvres d’art dans l’atelier « Mobilier », Juliette Mertens a passé un CAP d’ébéniste. Elle travaille régulièrement dans les ateliers Centre de Restauration et de Recherche des Musées de France ainsi que dans son atelier personnel, parfois dans l’atelier de ses collègues conservateurs-restaurateurs de couche picturale. Elle intervient sur des œuvres de musée comme sur celles classées monuments historiques.

 

Info pratiques : 

Conférence La restauration des peintures sur bois par Juliette Mertens

Le 13 avril à 18h à l’espace Drouot, rue des Bigors, La Fère.

Entrée libre, GRATUIT

Le musée sera ouvert préalablement de 14h à 17h30.