Détail du mois de mars : peintre précieux, gros livre et vieille dame…

Le détail du mois de mars vous présente un intéressant petit panneau, intitulé « Intérieur hollandais avec vieille femme lisant » de Jacob van Spreeuwen. Né à Leyde vers 1609 ou 1610, Jacob van Spreeuwen y travaille toute sa vie. Ses derniers tableaux connus datent de 1658, la date de sa mort est incertaine.
L’influence du peintre Gerard Dou semble par contre essentielle dans sa production de scènes de genre dans le style des fijnschilders. Les Fijnschilders, parfois traduit en français par peintres précieux, sont les artistes hollandais qui, entre 1630 et 1710, se sont employés à représenter la réalité avec un maximum de précision.
La scène représente une femme assise sur une chaise basse qu’on trouvait généralement à proximité d’une cheminée pour en exploiter la chaleur. Le gros livre qu’elle tient sur ses genoux est sans doute un livre religieux même si les Hollandais avaient accès à d’autres lectures. Les femmes hollandaises sont alors parmi les plus lettrées d’Europe et même les filles des classes les moins aisées peuvent accéder à l’école, la maitrise des lettres et des chiffres étant nécessaire pour nombre de métiers exercés dans les Pays-Bas septentrionaux.
Si l’éducation a des vertus d’émancipation, le tableau est néanmoins nuancé par la présence, à l’arrière de la chaise, du rouet symbole du travail domestique féminin au sein des maisons.

Vous pourrez découvrir ce tableau des réserves durant la visite « les Femmes du musée » consacrée à l’iconographie féminine au sein des collections le 8 mars prochain. Petit bonus, cette visite est gratuite pour les femmes !

Détail du mois de février : chevrier, paysage et ami de Rubens…

Le détail du mois provient d’un paysage forestier avec chevriers, œuvre de Lucas van Uden (1595-1672). Peintre anversois où il réalisera la majeure partie de sa carrière, il se spécialise dans le paysage, qu’il restitue sous forme de peintures et de gravures. Ami et collaborateur de Rubens, ce dernier a parfois intervenu sur les oeuvres de van Uden pour y ajouter des figures.

Les paysages de van Uden sont reconnaissables aux nuances subtiles qu’il emploie, en intégrant des pigments bleus dans les zones de vert permettant à l’artiste des jeux de lumière. Son oeuvre montre l’influence des apports de la famille Breughel au genre du paysage de la brillante école anversoise : un naturalisme rigoureux empêche un trop grand idyllisme et les figures rythment la composition.
La forme tourmentée de certains arbres et autres végétaux témoigne également de l’influence du maniérisme qui apprécie les lignes serpentines, apportant mouvement et complexité à l’œuvre.

Vous pouvez découvrir cette œuvre dans son intégralité en salle anversoise, aux côtés d’une paysage de Breughel de Velours !

Détail du mois de janvier : martyre, fils de et modello…

 

Le détail du mois de janvier vous présente un tableau important des collections italiennes, représentant le martyre de Sainte Afre. Ce tableau est l’œuvre de Carlo Caliari (1570-1596), surnommé Carletto, dont l’œuvre n’est pas forcément très familière du grand public à cause de sa courte carrière, et également par le fait qu’il resta dans l’ombre de son père, le célèbre Paolo Caliari, plus connu comme Véronèse.

Le tableau représente Sainte Afre avant son martyr : païenne convertie au Christianisme, elle refuse de sacrifier aux dieux et connaît le martyr sous Dioclétien. Elle est représentée entraînée sur l’échafaud où elle sera décapitée à la suite des Chrétiens qui l’ont converti, comme en témoigne l’épée posée à gauche, dont la forme crucifère renvoie également au martyr.

La couleur rougeâtre du tableau est liée à sa principale caractéristique : il s’agit d’un modello, c’est-à-dire une étude préparatoire destinée à préparer la version finale. Ce travail non-achevé n’a pas pour vocation de quitter l’atelier et le peintre a utilisé une couche de pigment assez fine laissant paraître à de nombreux endroits la sous couche préparatoire de couleur rouge. La version définitive du tableau peinte par Paul Véronèse en personne se trouve aujourd’hui dans l’église Saint-Euphémie de la ville de Brescia en Italie.

Pour découvrir ce tableau dans son intégralité, rendez-vous au musée en salle vénitienne !

Détail du mois de décembre : PACA, épave et naufrageurs…

Le détail du mois de décembre vous présente Tempête et naufrage, une œuvre de Charles François Lacroix de Marseille (né vers 1700 à Marseille, mort à Berlin en 1779 ou 1782), réalisé à Rome en 1761. Peintre de paysage et de marines il fut élève de Joseph Vernet dont il imita le style. Il séjourna plusieurs fois à Rome à partir de 1754 et eut beaucoup de succès dans les années 1770, ce qui l’amène à beaucoup voyager au gré des commandes.
La scène de naufrage représenté ici est typique de son style, influencé à la fois par Vernet et par Jean-Joseph Kapeller au vu du ciel tourmenté déployant une gamme de bleus puissants. La scène représentée montre un navire venu se fracasser sur une côte rocheuse, où un naufragé, à droite de notre détail, s’accroche au rocher pour résister à la furie marine. Le personnage au dessus, qui semble de pencher vers l’épave, est sans doute la représentation d’un naufrageur : le terme de naufrageur désigne principalement certains habitants du littoral qui, autrefois, auraient cherché à tromper les navires suivant le rivage pour les attirer sur des récifs, afin de s’enrichir en s’emparant de leur cargaison. Il semble que ce type de pratique s’apparente plutôt à une légende, mais elle a été représentée plusieurs fois par les peintres de marines.
Ce tableau sera bientôt de retour au musée après l’exposition Mare furioso au musée de Bastia qui se termine le 17 décembre ! A redécouvrir en 2023 dans l’exposition permanente du musée !

Détail du mois de novembre : Attribution traditionnelle, boeuf et mugissement…

Le détail du mois de novembre vous présente un inédit des réserves ayant repris place dans les collections permanentes à l’occasion d’une rotation des collections. Il s’agit du « Bœuf et autres animaux ».
Ce tableau est attribué traditionnellement à Jan Kobell, un peintre d’Utrecht qui a pris Paul Potter pour modèle, acquérant son talent pour le travail animalier et paysager. On parle d’attribution traditionnelle car celle-ci est aujourd’hui remise en cause par les historiens de l’art : en effet, les pièces de bétails de Kobell étaient réputées pour la précision de leur dessin, ici la technique picturale est différente, très grasse et composée d’empâtements, notamment sur le museau du taureau, et semble bien éloignée du fini des oeuvres de Kobell… Les spécialistes n’ayant pas d’autre attribution à proposer dans l’immédiat, l’attribution ancienne demeure, même si on la sait douteuse.
La recherche manifeste de naturalisme de l’artiste, qui cherche à rendre le mouvement du bœuf, en plein mugissement, contribue à rendre cette œuvre vivante. Cette recherche apparaît encore dans le travail des artistes d’aujourd’hui, comme Steeven Labeau dont vous pouvez découvrir l’exposition la Nature source d’inspiration au musée jusque mars !

Détail du mois d’octobre : Jeanne d’Aboville, portrait et restauration…

Le détail du mois d’octobre est l’occasion de vous présenter le portrait de Jeanne d’Aboville. Elle est la mère de la donatrice de la collection du musée, Gabrielle-Uranie d’Héricourt de Valincourt qui a demandé à ce que le musée porte le nom de sa mère en souvenir.  Typique des portraits du XIXe siècle, cette oeuvre ne figure pas dans le legs original mais fut ajouté à la Collection par la sœur de la donatrice, Mme de Vigan.

Jeanne Gabrielle d’Aboville voit le jour le 24 juin 1772, à La Fère. C’est la fille du général et comte François Marie d’Aboville (1730-1817) et d’Angélique Martin de Vraine (x-1831). Elle épouse, le 20 avril 1795, Louis François Le Maistre, inspecteur général des poudres et salpêtres, dont elle a une fille, Gabrielle Uranie Le Maistre (1798-1875), future comtesse d’Héricourt.

Sur ce portrait, l’attention bienveillante adressée par Jeanne d’Aboville s’accompagne d’un sourire discret. Cette peinture illustre l’image sociale que veut renvoyer la modèle, cultivant modestie et compassion, sans renoncer à un certain apparat. Jeanne Gabrielle d’Aboville décède le 2 octobre 1854.

Ce détail vous est présenté avec une photo d’avant restauration, il a depuis été restauré grâce au financement de l’association des Amis du musée Jeanne d’Aboville. Venez le redécouvrir au musée en salle française !

Détail du mois de septembre 2022 : artiste voyageur, dieu-fleuve et capridé…

Le détail du mois de septembre provient d’une huile sur toile intitulée Animaux à la fontaine. Œuvre d’Hendrick Mommers (Haarlem vers 1623 – Amsterdam, 1693), elle est caractéristique de la production de ce peintre de paysages méditerranéens. Il a probablement fait un voyage à Paris vers 1666-1668 puisque plusieurs vues du Palais du Louvre depuis le Pont Neuf lui sont attribuées. Mommers réalise principalement des paysages italianisants, c’est-à-dire des vues inspirées de l’ambiance méditerranéenne que les peintres nordiques en voyage rencontrent en Italie. Cette production se caractérise par le traitement doré de la lumière et ses représentations bucoliques.

La fontaine est ornée d’un dieu-fleuve, une statue allégorique représentant sous des traits humains un cours d’eau. Cette sculpture rappelle l’intérêt de l’artiste pour l’insertion de détails antiquisants. Le style largement esquissé des personnages, l’attention au rendu naturaliste des animaux et l’usage de la lumière du sud sont tout à fait caractéristiques de Mommers.

Pour découvrir l’œuvre entière, il faudra vous rendre à la Sous-Préfecture de Soissons à l’occasion des Journées Européennes du Patrimoine où elle sera exceptionnellement exposée en compagnie d’une sélection d’œuvres des collections du musée ! Rendez-vous les 17 et 18 septembre 2022 !

Détail du mois d’août : savant, fraise et manches interchangeables…

Le détail du mois d’août provient d’une œuvre inédite des réserves, une petite toile flamande du XVIIe siècle représentant la réunion de trois savants. On y voit l’un des trois intellectuels écoutant le débat qui occupent ses deux comparses, un rouleau de parchemin posé devant lui.
Ce personnage porte un costume qui va devenir l’uniforme de l’intellectuel au fil du temps, jusqu’à la caricature avec les médecins vêtus de noir des pièces de Molière. En effet, le noir devient à la Renaissance une couleur recherchée car elle est d’abord adoptée par les princes espagnols qui l’utilisent à des fins de propagande pour affirmer leur autorité par un rigorisme non dénué de luxe. Elle est ensuite utilisée dans les autres cours d’Europe avant de se diffuser à la bourgeoisie et aux cercles intellectuels humanistes. Si le savant représenté porte un costume noir, on peut voir que les manches de son vêtement sont d’une autre couleur, car à l’époque, les manches sont interchangeables et peuvent être rajoutées par des système de lacet ou cousues directement en fonction des besoins. Il peut s’agir également d’un pourpoint porté en dessous et dépassant d’une manche fendue.
Le chapeau qu’il porte est à la mode à la fin du XVIe siècle, il est sans doute réalisé en velours ou en brocard. Sobre, il ne comporte ni bijou ni aigrette contrairement à un chapeau de cour. Mais l’élément le plus caractéristique ici est sans doute la fraise : apparue dans la seconde moitié du XVIème siècle, ce nouveau type de col va être très à la mode dans les cours et se diffuser dans la bourgeoisie. La mode pour cet accessoire évolue rapidement et la forme visible ici est relativement sobre par son aspect et sa taille, loin de celles visibles sous Henri III, qui atteignent jusqu’à 40cm !
Ce tableau sera exceptionnellement présenté au musée durant le mois d’août, venez l’admirer ! Pour en découvrir plus sur le vêtement et sa représentation dans les peintures, rendez-vous les 13, 20 et 27 août à 14h30 pour « la Fashion Visit’ » ! Attention c’est uniquement sur réservation !

Oeuvre du mois de juillet : arlésienne, mendiante et boucle d’oreille…

Le détail du mois de juillet provient d’une œuvre inédite des réserves, le Dimanche des Rameaux d’Auguste Joseph Truphème (1836-1898). Truphème fut très à la mode au XIXe siècle parmi les peintres pompiers grâce à son illustration souvent idéalisée des scènes de genre. Ses tableaux étaient reproduits dans la presse de l’époque, comme Le Petit Journal illustré. Cette œuvre n’est pas issue de la collection de la Comtesse d’Héricourt mais provient d’un dépôt réalisé par l’Etat à l‘ouverture du musée au XIXe siècle.

La jeune femme à la beauté froide richement habillée et parée sort de la messe, ses rameaux bénis à la main. Sur son passage, une vieille femme mendie. On peut voir dans ces deux figures en opposition des allégories de la Jeunesse et de la Vieillesse, ou plus prosaïquement une différenciation sociale ; les bijoux de la jeune femme contrastant avec le dénuement de la mendiante. Les vêtements rappellent les costumes traditionnels provençaux, le peintre étant originaire d’Aix-en-Provence. Plusieurs choses suggèrent sa richesse : la robe longue en satin de couleur vive et les colliers, transmis de génération en génération. Les boucles d’oreilles en pendants, appelés brandanto, sont réservées aux seules femmes mariées.

Pour en découvrir plus sur la symbolique des bijoux dans la collection, rendez-vous les 9, 16 et 30 juillet à 14h30 pour Du chic et du toc, la visite consacrée aux bijoux et pierres précieuses ! Attention c’est uniquement sur réservation !

Détail du mois de juin : perles, statut social et âge de pierre…

Le détail du mois de juin vous présente un collier de perles préhistorique issu des Collections archéologiques. Découvert dans l’ancienne ballastière de Vendeuil, ce collier en perles blanches, réalisé durant la période néolithique est fabriqué à partir de calcaire, l’un des principaux matériaux employés pour la fabrication de parures de l’époque.

D’un point de vue esthétique, les humains du néolithique aiment attacher leurs cheveux afin de mettre en valeur leur cou et ainsi leur parure. De plus, la création d’une parure peut également traduire un statut social car la matière utilisée symbolise le pouvoir, la richesse ou le prestige. Cependant, le calcaire ne relève pas d’un statut social très élevé puisqu’il était déjà très utilisé à l’époque.

D’un usage courant durant le Néolithique, ces colliers étaient aussi bien portés par les hommes, les femmes que les enfants. Les liens reliant les perles, probablement réalisés en tendon d’animal ou en crin de cheval, n’ont pas résisté au temps et le collier a fait l’objet d’un remontage par les archéologues.

Venez découvrir ce collier au musée, en particulier à l’occasion des Journées de l’Archéologie où l’entrée sera gratuite pour l’ouverture de l’exposition consacrée à la mode gallo-romaine !