Détail du mois de novembre : église, conversation et fausse perspective…

Le détail du mois de novembre provient d’un Intérieur d’église d’un artiste anonyme flamand du XVIIe siècle, mais visiblement sous l’influence de l’atelier anversois des peintres Pieter Neefs I et II, un père et son fils qui se sont spécialisés dans les vues d’architecture. La production de Pieter Neefs le Vieux fut très abondante et il est très difficile de la distinguer de celle de son fils. On a pu recenser plus de 400 tableaux qu’il réalisa avec des collaborateurs et ses deux fils Lodewijk et Peeter.

Le peintre anonyme se place dans leur sillage, avec cet intérieur d’église, sujet alors à la mode qui permet à la fois de représenter des perspectives, animées par la minutie des détails et des jeux de lumière. Ce peintre n’atteint néanmoins pas le degré de précisions des œuvres sortant de l’atelier Neefs et l’on constate rapidement de nombreuses erreurs dans le rendu des perspectives, dues à la démultiplication des points de fuite.
Le staffage, soit l’ajout de personnages pour animer la scène, est sans doute réalisé par un autre artiste spécialiste de ce sujet : on peut voir deux hommes élégamment vêtus discuter ensemble tandis qu’en arrière-plan un groupe de fidèles écoutent un homme d’église monté en chaire pour prêcher. Cette scène tend à rendre l’atmosphère qui était celle des églises, à la fois lieu de spiritualité et de sociabilité.

Cette peinture est à découvrir en intégralité au musée, on vous souhaite un beau mois de novembre !

Détail du mois d’octobre : ténèbres, moine et bâton étrange…

photo Lionel Feys, Ville de La Fère

Le détail du mois d’octobre vous dévoile un tableau inédit des réserves, œuvre d’un peintre anonyme du XVIIe siècle, visiblement sous l’influence de José de Ribera dit lo Spagnoletto (1591-1652) et s’inscrivant dans le courant du Ténébrisme. Le Ténébrisme est l’une des caractéristiques du style du Caravage et a été repris par de nombreux peintres à sa suite : les figures se détachent en pleine lumière sur les ténèbres qui les environnent et provoquent un effet de contraste dramatique.

Le détail vous montre le visage d’un moine en extase, les yeux tournés vers le ciel. Il a été identifié à un personnage en particulier : il s’agit ici de Saint Antoine le Grand, également connu comme Antoine d’Égypte, Antoine l’Ermite. Ce mystique des IIIe et Ive siècles après Jésus Christ mène une vie d’ascète et d’ermite et va peu à peu constituer une communauté autour de lui : l’Eglise le considère comme le père du monachisme chrétien.
La vie de saint Antoine et ses tentations ont inspiré de nombreux artistes et le peintre a choisi ici une représentation sobre, se basant sur peu d’éléments pour suggérer la modestie de sa vie matérielle. Saint Antoine est généralement représenté sous les traits d’un homme âgé – il meurt à l’âge de 105 ans ! -, et vêtu d’une robe de bure pour suggérer la vie monastique. Il a généralement un bâton de marche à la forme bien spécifique : il figure un Tau, la dix-neuvième lettre de l’alphabet grec. On appelle ce bâton la croix de saint Antoine ou béquille de saint Antoine. Cet attribut ne trouve pas d’explication bien définie, en dehors du fait que le Tau est un signe de paix, de bénédiction, de prédestination divine. Ici la forme est juste suggérée avec un bâton se terminant de manière bifide.

Ce tableau n’est pas actuellement pas présenté pour des raisons de conservation mais d’autres œuvres vous attendent au musée Jeanne d’Aboville, à bientôt !

Détail du mois de septembre : fleurs, figure à l’antique et expatriation italienne…

Le détail du mois vous présente une nature morte de fleurs œuvre du peintre néerlandais Carel de Vogelaer (Maastricht, 1653 – Rome, 1695). Peintre de natures mortes dont le nom est essentiellement associé à des tableaux de fleurs, bien qu’il ait également représenté des fruits et des natures mortes de gibier, son style évolue quand il quitte les Pays-Bas pour l’Italie vers 1675, où il sera connu sous le nom de Carlo dei Fiori.

La nature morte de ce peintre présente au sein des collections frappe par les tons chauds qui la caractérise, en effet, au lieu d’un fond noir, le peintre a choisi un fond brun, avec un travail subtil de la lumière rendu par des touches blanches sur les fleurs, en particulier le chrysanthème.
Le rendu délicat des fleurs, typique de la manière du peintre est accentué par la présence d’un vase de pierre sculpté de personnages à l’antique. La recherche d’un rendu illusionniste du vase est assez inédite dans la production de cet artiste qui représente dans ses autres productions des vases plus simples. Il s’agit sans doute de l’influence italienne sur son travail par le contact avec les représentations antiques qu’il peut aisément étudier à Rome. Cette influence est également perceptible dans la composition, les Italiens appréciant les bouquet plus tourmentés avec les fleurs disposées de manière naturelle et tournées dans des directions différentes.

Pour découvrir ce tableau en entier, rendez-vous au musée en salle Siècle d’Or !

Détail du mois d’août : lacune, Vierge et Schongauer…

Le détail du mois vous présente non pas ce qui sur la face d’un tableau mais cette fois son revers ! Il s’agit de l’envers du Martyr de Saint Acace, œuvre actuellement présentée au musée de Besançon dans le cadre l’exposition Made in Germany consacrée aux œuvres de la Renaissance allemande.

Ce revers qui n’est pas visible lorsque l’œuvre est accrochée dissimule une œuvre très endommagée représentant l’Adoration des Mages. La double face de l’œuvre témoigne du fait qu’il s’agit a priori d’un fragment de retable, sans doute un volet.

Elle est l’œuvre d’un artiste du début du XVIe siècle, travaillant en Souabe, une région située à l’Ouest de la forêt noire dans le Sud de l’actuelle Allemagne. Cette région connaissait une vie culturelle et artistique intense et a réceptionné assez rapidement les nouveautés apportées par les chefs de la file de la peinture primitive germanique grâce aux gravures : si la face de la peinture semble s’inspirer de Durer, le revers avec l’Adoration des Mages semble plutôt puiser dans l’art de Martin Schongauer.

Malgré l’état lacunaire de l’œuvre actuelle, on peut en effet rapprocher la pose de celle de la Vierge au perroquet, gravée par Schongauer vers 1470. On retrouve également les attributs traditionnels de la Vierge : le grand manteau bleu, rappelant le ciel divin et la robe rouge, symbole de l’Incarnation. On aperçoit les cheveux blonds dénoués de la Vierge même si le mauvais état du panneau a fait disparaître son visage.

Si vous voulez découvrir les représentations de la Vierge au musée, on vous propose une visite guidée consacrée à l’iconographie de la Vierge les 16 et 17 août à 15h !

Détail du mois de juillet : épines, turban et paysage flamand

Le détail du mois de juillet provient d’une Déploration du Christ : il s’agit de l’épisode qui suit la Descente de croix dans l’histoire de la Crucifixion. Œuvre d’un peintre anonyme, il est à situer dans le cercle des Maniéristes anversois : ce groupe de peintres est actif à Anvers entre 1500 et 1530 et se caractérise par l’exubérance de la décoration et des drapés et par les expressions des personnages. Revendiquant à la fois l’héritage du style gothique tardif et intégrant les innovations italiennes de la Renaissance, les peintres de cette école emploient de larges gammes de couleurs et introduisent beaucoup de mouvement.
Le détail présenté ici montre un homme récupérant la couronne d’épines portée par le Christ durant la Passion. Ce personnage est identifié comme Joseph d’Arimathie, présenté dans le Nouveau Testament comme l’homme chargé de réclamer la dépouille de Jésus aux autorités romaines, pour lui offrir un enterrement décent, dans son propre caveau familial. La tradition médiévale l’a souvent représenté coiffé d’un turban comme une incarnation de l’Orient, tradition reprise dans l’œuvre de La Fère. Ce personnage gagnera en importance au XIIe siècle, en étant identifié comme le premier propriétaire du Graal dans les romans de chevalerie du cycle arthurien.
Le paysage présent à l’arrière-plan du détail est également intéressant car son choix de couleurs, typique de la peinture flamande montre l’influence de la génération de peintres célèbres, notamment Joachim Patinier et Henri Bles.
Ce tableau est présenté en salle des Primitifs au musée, vous pouvez également le découvrir à l’occasion de la visite consacrée aux Renaissances à La Fère en juillet et en août uniquement sur réservation !

Détail du mois : pont, boulets et sculpteur…

Le détail du mois de juin est un peu spécial car il vous fait sortir du musée pour aller à la rencontre d’un auguste voisin se trouvant sur la place d’armes face au musée : la statue de l’Artilleur !
Œuvre d’Auguste Arnaud, comme l’indique le cartouche sur sa base, elle est réalisée entre 1856 et 1858. Charles Auguste Arnaud (1825 – 1883) est un sculpteur français qui réalise de nombreux bustes pour des particuliers et reçoit également des commandes publiques, comme celle de l’artilleur à l’origine réalisée pour le Pont de l’Alma à Paris. Cette commande a pour but de montrer les différentes corps d’armes de l’armée française victorieux de la Guerre de Crimée sous le Second Empire. Il réalise une statue monumentale représentant l’artilleur que l’on reconnait facilement aux objets l’accompagnant : un canon et ses boulets. La végétation stylisée à l’arrière-plan renvoie aux palmes de la Victoire.
Cet artilleur d’abord présent sur le pont parisien sera déplacé en 1974 à La Fère suite à la reconstruction du pont. Placé face aux casernes, il symbolise la présence séculaire de l’armée dans la ville, véritable berceau de l’artillerie française.
Pour découvrir en détail cet artilleur, on vous propose une conférence « Charles-Auguste Arnaud, itinéraire d’un sculpteur du siècle » dans le cadre de l’anniversaire des cinquante ans de l’installation de la statue à La Fère. Cette conférence sera animée par Christine Lancestremère, le samedi 15 juin à 16h à l’espace Drouot ! C’est gratuit !

Détail du mois de mai : nuages, faux monogramme et pêche à pied…

Le détail du mois de mai provient d’un paysage fluvial avec une tour en ruine, œuvre d’un peintre anonyme hollandais du XVIIIe siècle. Ce tableau montre la grande, et durable, influence de Jan van Goyen (1596 –1656) sur la manière de faire des paysages en Hollande. Ce tableau a d’ailleurs été longtemps pris pour une production du Maître, les observateurs s’appuyant sur un monogramme VG au premier plan du tableau qui s’avère être une fausse signature, ajoutée, sans doute par un marchand d’art peu scrupuleux du XIXe siècle, pour donner plus d’importance au tableau.

Si l’influence de Van Goyen sur cette oeuvre est incontestable, avec la forte présence du ciel et des effets atmosphériques produits par les nuages, la lumière chaude qui en émane témoigne également d’influences plus tardives, notamment celles des peintres italianisants, qui insufflent à leur production une ambiance méditerranéenne.
Si des pêcheurs sont présents sur le voilier, on retrouve également un pêcheur à pied au premier plan, un motif très courant dans la peinture hollandaise. En effet, en plus d’animer les abords de la rivière, la représentation des activités de pêche renvoie au quotidien pour les possibles acheteurs du tableau : met essentiel en temps de Carême, le poisson est également un secteur économique important, qu’il s’agisse des poissons d’eaux douce dont regorgent alors les rivières et canaux des Pays-Bas, ou de morues et harengs péchés en haute-mer.

Vous pouvez découvrir ce tableau dans la salle consacrée au Siècle d’Or hollandais du musée, à bientôt !

Détail du mois d’avril : craquelures, militaire et porcelaine…

Le détail du mois d’avril provient d’une œuvre des réserves. Il s’agit d’une scène militaire, imitant le style d’un peintre français de la fin du XVIIIe siècle, célèbre pour ses scènes de batailles à cheval : Jacques Swebach-Desfontaine. Il fut le premier peintre de la manufacture de Sèvres de 1802 à 1813, créant de nombreux cartons pour celle-ci : ses œuvres reproduites sur porcelaine ont été abondamment diffusées et ont contribué à sa popularité.

Cette popularité va provoquer la convoitise des faussaires du XIXe siècle : en effet, son style est copié pour vendre les peintures produites comme étant de sa main. C’est le cas de la scène militaire visible ici, qu’un faussaire a artificiellement vieilli. Ce vieillissement est perceptible dans le réseau de craquelure prononcé qui parcourt le tableau : larges et en surface, ces craquelures sont réalisés de manière artificielle pour faire paraitre le tableau plus ancien qu’il ne l’est réellement.
Les craquelures d’âge ont plutôt tendance à être fines et profondes et les craquelures feintes sont relativement faciles à identifier tant par leur aspect irrégulier que par leur étendue homogène sur le tableau. Le faussaire provoque ce type de craquelures par des chocs thermiques – parfois en passant le tableau au four ! – ainsi qu’en exposant successivement le tableau à une forte humidité puis à un brusque séchage. Il peut également ajouter des produits desséchants dans ses pigments pour que la peinture se craquelle.

Pour en savoir plus sur le vieillissement naturel ou non des œuvres, vous pouvez découvrir au musée l’exposition Des Collections révélées consacrée aux restaurations réalisées au musée !

Détail du mois de mars : vedute, cheval et staffage…

Le détail du mois de mars provient d’un paysage de ruines, œuvres du vénitien Francesco Albotto (vers 1721 – 1757). Il a été élève de Michele Marieschi et à la mort de ce dernier (1743) il en épousa la veuve, Angela Fontana. Excellent copiste et d’une grande maîtrise technique, la grande majorité de sa production s’inspire de l’œuvre des maîtres de vedute de la première moitié du XVIIIe siècle.
Les vedute (de veduta, qui signifie « vue ») sont d’un genre pictural basé sur la représentation de paysages urbains dans laquelle de nombreux peintres vénitiens se spécialisent. Le rigorisme géométrique des perspectives des vedute laisse parfois place aux caprices, c’est-à-dire la représentation d’un paysage imaginaire ou partiellement imaginaire, combinant des bâtiments, des ruines et autres éléments architecturaux de façon fictive et souvent fantastique. C’est le cas de cette production d’Albotto, combinant des ruines antiques et un étrange cheval empaillé posé sur un piédestal.
La scène est complétée par des personnages, aux tenues fantaisistes pouvant être orientalisantes ou pittoresques, ajoutés pour animer la scène : on parle alors de staffage. Le mot staffage (du mot allemand stafferen, décorer) désigne les figures humaines d’une scène, en particulier dans les paysages, qui ne sont pas le sujet principal de l’œuvre.
Ce tableau est présenté dans le cadre de l’exposition Des Collections révélées et vous pourrez découvrir le tableau avant restauration via votre smartphone. A bientôt au musée !

Détail du mois de février : un berger caravagesque…

Le détail du mois de février provient de Berger assis et son troupeau de chèvres, œuvre anonyme d’un artiste italien ou hollandais de la première moitié du XVIIe siècle. En effet, la forte influence de la peinture du Caravage sur cette toile pourrait aussi bien être l’œuvre d’un peintre italien que d’un des membres des Caravagesques d’Utrecht, un groupe de peintres qui a exporté les techniques du Maître en Hollande.

L’artiste semble en tout cas se situer dans le mouvement du caravagisme, diffusé bien au-delà de l’Italie. Rome est au début du XVIIe siècle le centre artistique par excellence et des artistes de tous les pays viennent y travailler et découvrent l’œuvre du Caravage. Dans l’atmosphère de révolution picturale qu’il incarne, beaucoup d’artistes européens suivent la voie qu’il établit et appliquent avec succès la fameuse Manfrediana Methodus qui est une recette pour imiter le style du Caravage, relayée par son premier disciple, Manfredi.

La thématique de notre toile renvoie également au style caravagesque par son sujet naturaliste, qui s’inspire des personnages des classes populaires italiennes, traité avec réalisme. Comme souvent à cette époque, on peut également trouver une connotation religieuse à cette peinture. Le Christ est souvent comparé à la figure du bon pasteur, et saint Jean-Baptiste est également berger : ses attributs sont la houlette de berger et le troupeau. L’animal guidé par le pâtre est une personnification du fidèle, tout comme l’animal, élevé pour sa chair ou son lait, pourrait aussi évoquer le sacrifice du Christ.

Pour découvrir cette peinture, rendez-vous au musée Jeanne d’Aboville, où l’on attirera tout spécifiquement votre attention sur cette oeuvre dans le cadre de l’exposition Des Collections révélées à partir du 29 février !