Détail du mois d’octobre : ténèbres, moine et bâton étrange…

photo Lionel Feys, Ville de La Fère

Le détail du mois d’octobre vous dévoile un tableau inédit des réserves, œuvre d’un peintre anonyme du XVIIe siècle, visiblement sous l’influence de José de Ribera dit lo Spagnoletto (1591-1652) et s’inscrivant dans le courant du Ténébrisme. Le Ténébrisme est l’une des caractéristiques du style du Caravage et a été repris par de nombreux peintres à sa suite : les figures se détachent en pleine lumière sur les ténèbres qui les environnent et provoquent un effet de contraste dramatique.

Le détail vous montre le visage d’un moine en extase, les yeux tournés vers le ciel. Il a été identifié à un personnage en particulier : il s’agit ici de Saint Antoine le Grand, également connu comme Antoine d’Égypte, Antoine l’Ermite. Ce mystique des IIIe et Ive siècles après Jésus Christ mène une vie d’ascète et d’ermite et va peu à peu constituer une communauté autour de lui : l’Eglise le considère comme le père du monachisme chrétien.
La vie de saint Antoine et ses tentations ont inspiré de nombreux artistes et le peintre a choisi ici une représentation sobre, se basant sur peu d’éléments pour suggérer la modestie de sa vie matérielle. Saint Antoine est généralement représenté sous les traits d’un homme âgé – il meurt à l’âge de 105 ans ! -, et vêtu d’une robe de bure pour suggérer la vie monastique. Il a généralement un bâton de marche à la forme bien spécifique : il figure un Tau, la dix-neuvième lettre de l’alphabet grec. On appelle ce bâton la croix de saint Antoine ou béquille de saint Antoine. Cet attribut ne trouve pas d’explication bien définie, en dehors du fait que le Tau est un signe de paix, de bénédiction, de prédestination divine. Ici la forme est juste suggérée avec un bâton se terminant de manière bifide.

Ce tableau n’est pas actuellement pas présenté pour des raisons de conservation mais d’autres œuvres vous attendent au musée Jeanne d’Aboville, à bientôt !

C’est la rentrée pour l’école du village

l’école du village, Harmen HALS

 

C’est bientôt la rentrée, on vous propose d’observer ce tableau intitulé l’école du village !

Attribué à Harmen Hals (Haarlem, 1611 – 1669), cet artiste est le fils aîné de Frans Hals, qui lui dispense sa formation dans son atelier de Haarlem.

Harmen Hals a laissé une production majoritairement composée de tableaux représentant des scènes populaires, à l’image de cette petite école installé dans un bâtiment rustique. La gamme de couleurs ocres est typique de sa production et les visages mal dégrossis des personnages témoigne de l’influence de son père, célèbre pour ses tronies, représentant les expressions des personnages de manière caricaturale et exagérée.

On y voit l’école d’un village hollandais, typique du système de petites écoles qui se développe en Hollande septentrionale durant la période moderne. Les Pays-Bas ne possédaient aucun organisme central chargé d’administrer ou de contrôler l’enseignement, l’organisation des petites écoles, l’équivalent de nos écoles primaires et maternelles, était de l’initiative de particuliers ou d’associations privées, qui agissaient avec l’approbation municipale. L’école à la campagne est souvent installée dans une annexe de l’église, voire dans une grange un ou une étable, alors qu’en ville la population a accès à de véritables écoles avec des pupitres, des bancs, et du chauffage.

Le professeur placé au centre du tableau adopte une posture de découragement destiné à produire un effet comique. Dans les petites écoles de village, le maître a parfois plutôt fonction de simple surveillant. Des guildes de maîtres d’école se forment peu à peu au XVIIe siècle et exercent un contrôle sur le contenu des enseignements. Néanmoins beaucoup de parents se plaignent du faible niveau de ces maître d’école, un rapport de 1611 décrit des professeurs incapables de nommer correctement les lettres de l’alphabet ! Ce n’est qu’en 1665 qu’une ordonnance exigera des maîtres d’école une connaissance correcte de l’écriture et de la lecture. Malgré ses défauts, les petites écoles hollandaises vont permettre une large alphabétisation de la population, qui présente le meilleur taux d’Europe à cette époque, car les écoles hollandaises accueillent les garçons comme les filles.

Le garçon placé dans la lumière à gauche semble lire à voix haute. Le programme de l’enseignement de l’école se réduit a l’histoire sainte, la lecture l’écriture et au calcul. L’arithmétique élémentaire à cause de son importance commerciale fait l’objet d’un soin particulier de la plupart des maîtres. L’écriture et en savoir prestigieux et la calligraphie un véritable art esthétique. La renommée des maîtres hollandais en la matière dépassera les frontières du pays.

 

On souhaite une excellente rentrée à tous les élèves ainsi qu’à leurs professeurs ! Le service éducatif du musée les attend pour une sortie à La Fère pour découvrir tous les secrets de la peinture hollandaise !

Fin du récolement des Collections Beaux-arts

Après plusieurs mois de travail, le récolement décennal des collections beaux-arts du musée Jeanne d’Aboville est terminé !

La vente de poissons de Salomon Rhuysdael a été la dernière oeuvre à être recensée, recevant le numéro de fiche 377.

Le récolement est obligatoire depuis la loi Musée de 2002 et doit être réalisé tous les dix ans : il permet de vérifier que toutes les pièces constituant le fonds du musée sont bien présentes, vérifier leur état, les dépoussiérer si besoin et vérifier que les objets sont bien munis d’un numéro correspondant à l’inventaire et lisible. C’est aussi l’occasion de mettre à jour des données concernant les avancées scientifiques sur les œuvres , en affinant notamment leur attribution.

Le récolement permet également de planifier des programmes d’amélioration des conditions de gestion et de conservation : un bilan sanitaire des œuvres les plus endommagées va être réalisé en complément à l’automne. Des restaurateurs vont examiner les œuvres, procéder à des opérations d’urgence si besoin et proposer des solutions pour optimiser leur conservation.

Détail du mois de juillet : épines, turban et paysage flamand

Le détail du mois de juillet provient d’une Déploration du Christ : il s’agit de l’épisode qui suit la Descente de croix dans l’histoire de la Crucifixion. Œuvre d’un peintre anonyme, il est à situer dans le cercle des Maniéristes anversois : ce groupe de peintres est actif à Anvers entre 1500 et 1530 et se caractérise par l’exubérance de la décoration et des drapés et par les expressions des personnages. Revendiquant à la fois l’héritage du style gothique tardif et intégrant les innovations italiennes de la Renaissance, les peintres de cette école emploient de larges gammes de couleurs et introduisent beaucoup de mouvement.
Le détail présenté ici montre un homme récupérant la couronne d’épines portée par le Christ durant la Passion. Ce personnage est identifié comme Joseph d’Arimathie, présenté dans le Nouveau Testament comme l’homme chargé de réclamer la dépouille de Jésus aux autorités romaines, pour lui offrir un enterrement décent, dans son propre caveau familial. La tradition médiévale l’a souvent représenté coiffé d’un turban comme une incarnation de l’Orient, tradition reprise dans l’œuvre de La Fère. Ce personnage gagnera en importance au XIIe siècle, en étant identifié comme le premier propriétaire du Graal dans les romans de chevalerie du cycle arthurien.
Le paysage présent à l’arrière-plan du détail est également intéressant car son choix de couleurs, typique de la peinture flamande montre l’influence de la génération de peintres célèbres, notamment Joachim Patinier et Henri Bles.
Ce tableau est présenté en salle des Primitifs au musée, vous pouvez également le découvrir à l’occasion de la visite consacrée aux Renaissances à La Fère en juillet et en août uniquement sur réservation !

En août, la “traditionnelle” visite de l’Assomption

La Visite de l’Assomption, autour des représentations de la Vierge Marie au sein des Collections

Au-delà de l’icône religieuse, cette visite guidée thématique traite des tableaux représentant la Vierge, de sa naissance à sa mort, et de l’influence du contexte dans lequel évolue les artistes sur sa représentation. De l’apparition du célèbre manteau bleu aux expérimentation architecturales dans les décors de l’Annonciation, cette visite est l’occasion d’appréhender différemment la principale figure féminine de la Chrétienté.

 

Infos pratiques : 

16 et 17 août 2024 à 15h, durée environ 1h

Entrée : 4€

Réservations possibles et renseignements auprès du musée au 03 23 56 71 91

Balade au musée : visite familiale pour découvrir le musée en s’amusant

Le musée Jeanne d’Aboville propose à ses jeunes visiteurs accompagnés de leurs parents de découvrir la collection de manière ludique avec un focus réalisé sur plusieurs œuvres. Lors de ce temps familial, les visiteurs seront amenés à aiguiser leur regard pour découvrir les détails des tableaux et comprendre leur signification via des jeux.

Infos pratiques :
13 juillet et 10 août à 15h. Durée : 1h
Public visé : les 7-12 ans, accompagnés d’au moins un parent
Gratuit pour les enfants, entrée 4€ pour les accompagnants
Réservation obligatoire auprès du musée au 03 23 56 71 91

Visite combinée “Les Renaissances à La Fère”

Visite de l’église Saint-Montain de La Fère pour découvrir des éléments Renaissance du monument et découvrir l’exposition consacrée à Marie de Luxembourg suivi d’une visite des collections Renaissance du musée Jeanne d’Aboville.

La Renaissance est sans doute la période la plus célèbre de l’Histoire de l’Art, période politique compliquée en Europe accompagné d‘un intense bouillonnement intellectuel et de changements profonds dans la société, les peintures produites à cette période restent pour beaucoup iconiques jusqu’à aujourd’hui. Le musée Jeanne d’Aboville vous propose d’aller à la rencontre de cette période faste en une visite double : d’abord pour découvrir les éléments Renaissance qui décorent l’église Saint-Montain de La Fère, édifice classé aux monuments historique et rare exemple survivant de ce type d’architecture dans la région. Ce sera l’occasion d’évoquer une figure locale incontournable pour cette période : Marie de Luxembourg, avec une exposition qui lui est consacrée au sein de l’édifice.

Il sera ensuite proposé aux visiteurs d’aller au musée à la rencontre des rares peintures primitives conservées dans les Collections. Ces œuvres du début de la Renaissance sont de précieux témoignages de cette révolution artistique plurielle : de la douceur des tondi florentins à l’appréhension très différente des pays nordiques, cette visite vous propose de revenir sur les artistes qui ont posé les canons artistiques dont se nourrira l’art occidental sur les trois siècles suivants.

Suivant les conditions de conservation (chaleur notamment), une ou deux œuvres des réserves seront également dévoilées lors de cette visite.

 

Les samedis 6 juillet, 20 juillet et 3 août de 10 h à 12h.

Sur réservation uniquement auprès du musée au 03 23 56 71 91 ou via musee-daboville@ville-lafere.fr

Nouveau départ en restauration : la Vierge part se refaire une beauté…

photo par FRANCK BOUCOURT

Giacomo Raibolini dit Giacomo Francia (Bologne, 1484 – 1557) est un peintre de l’école bolonaise membre de la famille d’artistes italiens des Francia. Spécialisé dans les tableaux de dévotion privée, il réalise de nombreuses variations autour du thème de la Vierge à l’enfant dont le tableau de La Fère est un bel exemple.
L’apport important et l’influence de Raphael à ce thème se ressentent par le langage idéalisé et serein qui se met en place. Jésus est représenté avec Jean-Baptiste enfant, un thème alors très populaire. Jean le Baptiste est le prophète qui a annoncé la venue de Jésus de Nazareth et qui l’a baptisé sur les bords du Jourdain, d’où son surnom. Les deux personnages sont conventionnellement représentés ensemble quand ils sont enfants car ils appartenaient à la même famille : une tradition fait de Marie la cousine d’Élisabeth, mère de Jean le Baptiste et leurs enfants seraient nés à quelques mois d’intervalle.
La représentation sous des traits enfantins n’empêche pas le peintre d’évoquer le destin des personnages, Jean-Baptiste est représenté déjà vêtu de son habit d’ascète qui se retirera dans le désert. Il est également représenté avec un autre de ses attributs : le bâton crucifère en roseau, évoquant à la fois la future Passion et la Crucifixion du Christ. Le doigt pointé vers son cousin Jésus renforce le message de l’objet. Jésus quant à lui, le visage tourné vers sa mère, réalise un geste de bénédiction, déjà conscient de son statut.
Ce panneau présentant plusieurs altérations a été confié à la restauratrice Florence Adam, qui va intervenir de concert avec la restauratrice spécialiste de supports bois Juliette Mertens. En effet l’arrière du panneau est parqueté, c’est à dire stabilisé par des lattes de bois ajoutée a posteriori et il est nécessaires d’intervenir sur ses lattes qui contraignent le bois original. Florence Adam va également réaliser un nettoyage et une consolidation de la couche picturale dont certaines parties sont fragilisées.

La restauratrice Florence Adam présente les altérations qui doivent être traitées sur le panneau.

Ce tableau sera à redécouvrir en 2025, quand il aura retrouvé tout son éclat grâce aux travail des restauratrices. En attendant vous pouvez toujours découvrir au musée l’exposition des Collections révélées consacrée aux restaurations et aux restaurateurs !

Journée nationale des mémoires de l’esclavage, des traites et leurs abolitions

 

En ce 10 mai 2024, à l’occasion de la 18ème Journée nationale des mémoires de l’esclavage, des traites et leurs abolitions et en partenariat avec la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, le musée vous présente cette représentation d’esclave, visible sur l’Allégorie du Goût, issu de l’atelier anversois de la famille Brueghel. Le raffinement affiché des détails montre l’influence de Rubens, qui possédait également un atelier dans cette ville.
Réalisé à une époque florissante, où Anvers est l’un des grands ports commerciaux à l’échelle mondiale, ce détail illustre l’importance du tristement célèbre commerce triangulaire dans la réussite économique de la ville. Si le port d’Anvers n’était pas un port négrier à proprement parler, il a néanmoins alimenté ce commerce, en armant des navires espagnols notamment.
La représentation de l’esclave noir symbolise les terres exotiques qui font la richesse des commerçants anversois, il incarne l’allégorie de l’Afrique. Il est représenté avec une coupe à boire et à proximité des contenants pour la boisson, indiquant qu’il est utilisé comme domestique. Les représentations de domestiques noirs restent rares dans la peinture flamande du XVIIe siècle car leur présence était exceptionnelle : avoir un Noir à son service était un signe extérieur de richesse car on l’avait fait venir à prix d’or depuis les comptoirs de Guinée.

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