Détail du mois d’août : savant, fraise et manches interchangeables…

Le détail du mois d’août provient d’une œuvre inédite des réserves, une petite toile flamande du XVIIe siècle représentant la réunion de trois savants. On y voit l’un des trois intellectuels écoutant le débat qui occupent ses deux comparses, un rouleau de parchemin posé devant lui.
Ce personnage porte un costume qui va devenir l’uniforme de l’intellectuel au fil du temps, jusqu’à la caricature avec les médecins vêtus de noir des pièces de Molière. En effet, le noir devient à la Renaissance une couleur recherchée car elle est d’abord adoptée par les princes espagnols qui l’utilisent à des fins de propagande pour affirmer leur autorité par un rigorisme non dénué de luxe. Elle est ensuite utilisée dans les autres cours d’Europe avant de se diffuser à la bourgeoisie et aux cercles intellectuels humanistes. Si le savant représenté porte un costume noir, on peut voir que les manches de son vêtement sont d’une autre couleur, car à l’époque, les manches sont interchangeables et peuvent être rajoutées par des système de lacet ou cousues directement en fonction des besoins. Il peut s’agir également d’un pourpoint porté en dessous et dépassant d’une manche fendue.
Le chapeau qu’il porte est à la mode à la fin du XVIe siècle, il est sans doute réalisé en velours ou en brocard. Sobre, il ne comporte ni bijou ni aigrette contrairement à un chapeau de cour. Mais l’élément le plus caractéristique ici est sans doute la fraise : apparue dans la seconde moitié du XVIème siècle, ce nouveau type de col va être très à la mode dans les cours et se diffuser dans la bourgeoisie. La mode pour cet accessoire évolue rapidement et la forme visible ici est relativement sobre par son aspect et sa taille, loin de celles visibles sous Henri III, qui atteignent jusqu’à 40cm !
Ce tableau sera exceptionnellement présenté au musée durant le mois d’août, venez l’admirer ! Pour en découvrir plus sur le vêtement et sa représentation dans les peintures, rendez-vous les 13, 20 et 27 août à 14h30 pour « la Fashion Visit’ » ! Attention c’est uniquement sur réservation !

Oeuvre du mois de juillet : arlésienne, mendiante et boucle d’oreille…

Le détail du mois de juillet provient d’une œuvre inédite des réserves, le Dimanche des Rameaux d’Auguste Joseph Truphème (1836-1898). Truphème fut très à la mode au XIXe siècle parmi les peintres pompiers grâce à son illustration souvent idéalisée des scènes de genre. Ses tableaux étaient reproduits dans la presse de l’époque, comme Le Petit Journal illustré. Cette œuvre n’est pas issue de la collection de la Comtesse d’Héricourt mais provient d’un dépôt réalisé par l’Etat à l‘ouverture du musée au XIXe siècle.

La jeune femme à la beauté froide richement habillée et parée sort de la messe, ses rameaux bénis à la main. Sur son passage, une vieille femme mendie. On peut voir dans ces deux figures en opposition des allégories de la Jeunesse et de la Vieillesse, ou plus prosaïquement une différenciation sociale ; les bijoux de la jeune femme contrastant avec le dénuement de la mendiante. Les vêtements rappellent les costumes traditionnels provençaux, le peintre étant originaire d’Aix-en-Provence. Plusieurs choses suggèrent sa richesse : la robe longue en satin de couleur vive et les colliers, transmis de génération en génération. Les boucles d’oreilles en pendants, appelés brandanto, sont réservées aux seules femmes mariées.

Pour en découvrir plus sur la symbolique des bijoux dans la collection, rendez-vous les 9, 16 et 30 juillet à 14h30 pour Du chic et du toc, la visite consacrée aux bijoux et pierres précieuses ! Attention c’est uniquement sur réservation !

Détail du mois de juin : perles, statut social et âge de pierre…

Le détail du mois de juin vous présente un collier de perles préhistorique issu des Collections archéologiques. Découvert dans l’ancienne ballastière de Vendeuil, ce collier en perles blanches, réalisé durant la période néolithique est fabriqué à partir de calcaire, l’un des principaux matériaux employés pour la fabrication de parures de l’époque.

D’un point de vue esthétique, les humains du néolithique aiment attacher leurs cheveux afin de mettre en valeur leur cou et ainsi leur parure. De plus, la création d’une parure peut également traduire un statut social car la matière utilisée symbolise le pouvoir, la richesse ou le prestige. Cependant, le calcaire ne relève pas d’un statut social très élevé puisqu’il était déjà très utilisé à l’époque.

D’un usage courant durant le Néolithique, ces colliers étaient aussi bien portés par les hommes, les femmes que les enfants. Les liens reliant les perles, probablement réalisés en tendon d’animal ou en crin de cheval, n’ont pas résisté au temps et le collier a fait l’objet d’un remontage par les archéologues.

Venez découvrir ce collier au musée, en particulier à l’occasion des Journées de l’Archéologie où l’entrée sera gratuite pour l’ouverture de l’exposition consacrée à la mode gallo-romaine !

Détail du mois de mai : Mythologie, oeuvre collaborative et cochon-d’inde…

Le détail du mois vous présente une huile sur toile, intitulée Vertumne et Pomone, œuvre de Jan Pauwel Gillemans le Jeune (1651 – 1704), peintre flamand spécialiste des natures mortes et des représentations d’oiseaux. Il a collaboré avec des peintres de figures pour réaliser des scènes mythologiques et allégoriques comme la toile dont est extraite notre détail, dont les personnages sont peut-être du néerlandais Pieter Abrahamsz Ykens (1648 – 1695) qui a fréquemment collaboré avec Gillemans.

Vertumne et Pomone est un thème artistique classique, venant de la mythologie romaine : le dieu des jardins Vertumne recourt à des déguisements, notamment celui d’une vieille femme, pour séduire la nymphe des fruits Pomone. Si la scène prend traditionnellement place dans un jardin, la présence de nombreux animaux exotique sur ce tableau est assez originale. Parmi ces animaux, on trouve sur notre détail un dodo et un cochon-d’inde.

Le cochon-d’inde animal de compagnie aujourd’hui courant, a été exporté d’Amérique du Sud au XVIème siècle par les conquistadors espagnols. Domestiqué par les Incas il y a plus de 3000 ans, le cochon-d’inde était utilisé pour sa viande avant de devenir une curiosité dans les ménageries européennes.
Le dodo a une histoire plus tumultueuse : espèce d’oiseau endémique de l’île Maurice, elle a disparue dès la fin du XVIIe siècle avec l’arrivée des Européens. Il est aujourd’hui souvent cité comme un archétype de l’espèce éteinte car sa disparition, survenue à l’époque moderne, est directement imputable à l’activité humaine.. La représentation approximative du bec et du plumage de l’oiseau par le peintre est sans doute due à sa reproduction d’après gravure, le peintre n’ayant jamais vu un tel oiseau de ses yeux.

Ce tableau, provenant des réserves, sera présenté exceptionnellement au mois de mai, venez le découvrir !

Détail du mois d’avril : roseau, Passion et mains…

Le détail du mois vous présente une copie sur bois d’Ecce homo, œuvre de Andrea Solario (1460 – 1524), sans doute exécutée par un artiste nordique du XVIe siècle. Si l’original se trouve au musée des Beaux-arts de Leipzig, d’autres copies, très proches de notre version sont visibles au musée de Dijon et au musée du Louvre.

Ecce homo est une expression latine signifiant « voici l’homme » qu’aurait employé Ponce Pilate pour désigner Jésus lorsque celui-ci est présenté à la foule, après sa flagellation. Il est alors représenté avec une cape, la couronne d’épine et un sceptre de roseau pour singer des attributs royaux, d’où provient la dénomination également de Christ au roseau.
L’utilisation d’un roseau n’est pas anodine car il renvoie à la présence de Dieu, et le bruissement du vent sur la végétation en était une manifestation auditive. C’est également un des outils de la Passion du Christ car les soldats romains le frappent avec ce sceptre dérisoire. La Passion est également évoquée par les traces laissées par la flagellation et les liens qui entravent Jésus.
Le Christ au roseau a été beaucoup représenté par les artistes de la Renaissance qui ont cherché à fixer une expression de tristesse et de renoncement, également perceptible par le langage corporel : les mains entravées figurent l’abattement.

Ce tableau, provenant des réserves, sera présenté exceptionnellement au mois d’avril, venez le découvrir !

Détail du mois de mars : déesse, fruits et fleurs printanières

Le détail du mois de mars provient d’un tableau de Bon Boullogne dit Boullogne l’aîné (Paris, 1649 – 1717). Peintre et graveur, il travailla pour le roi Louis XIV, et remporta le Premier prix de Rome en 1669. Marqué par son séjour en Italie, il se spécialise dans les représentations mythologiques, inspirées des grands maîtres. Son art du pastiche est tel qu’il trompe ses contemporains en imitant les fresques de Raphael.

Notre détail provient d’une scène mythologique où plusieurs divinités entourent Cybèle, déesse de nature sauvage, qui personnifie le cycle des saisons. Chaque divinité correspond à une saison et celle présente sur notre détail est la déesse Flore. On la reconnait aisément à la couronne de fleurs qu’elle porte dans les cheveux accompagnée d’une guirlande, rappelant qu’elle maîtrise la floraison des végétaux, incarnant de ce fait le Printemps.

A ces côtés, on voit une autre déesse placée en arrière-plan vers qui elle tend la main. Il s’agit peut-être de Pomone protectrice des jardins et des arbres fruitiers, ou alors la nymphe Carpo, qui veille sur les fruits et les fleurs. Cette seconde divinité incarne l’Automne, qui boucle le cycle de vie des végétaux après la floraison au printemps avant la morte saison.

Vous pouvez découvrir ce tableau en salle de peinture française, il sera également présenté dans la visite « Femmes et peintures » le 8 mars à 14h puis 16h ! C’est gratuit pour les femmes et la réservation est conseillée !

Détail du mois de février : homard, citron et querelles religieuses…

Le détail du mois de février est extrait d’une Nature morte de homard, œuvre de Johannes Hannot, né à Leyde en 1633 et mort dans la même ville en 1684. Spécialiste des natures mortes de fruits, il incorpore souvent un homard chatoyant dans ses compositions, mais nous avons peu d’éléments sur sa vie, excepté qu’il fut admis à la guilde de Saint-Luc de Leyde en 1650.
Si le homard est très présent dans la peinture nordique, il prend un sens bien différent, en fonction qu’il soit représenté par un peintre protestant ou catholique, car l’Europe est alors déchirée par les querelles religieuses. Le homard, rouge après sa cuisson, apporte de la chaleur à la composition et rappelle la couleur des princes de l’église que sont les cardinaux. Il est également vu comme un symbole de résurrection du Christ, car les homards perdent leur enveloppe au printemps pour prendre une nouvelle carapace. Chez les protestants, la démarche à reculons du homard symbolise l’inconstance et l’instabilité, les peintres évoquent par ce biais la déviance morale des catholiques.
Ce tableau est pétri de référence symbolique bien au-delà de l’auguste homard qui y trône : le citron, dont la peau s’entortille, rappelle la vie qui se déroule et la montre, placée entre les pinces du homard, nous rappelle que notre temps est compté…

A partir du 16 février, vous pourrez découvrir ce tableau en compagnie d’une œuvre de Gabriel Martinet, artiste qui présentera son travail nourris par l’observation des tableaux de la Collection dans l’exposition Confrontation/Inspirations, jusqu’au 30 mai !

Détail du mois de janvier : peintre-décorateur, âne déguisé et paganisme…

Le détail du mois de janvier provient d’une toile récemment restaurée et intitulée la Marche des animaux et peinte par Michiel Carrée (1657 – 1727), peintre hollandais, élève de Nicolas Berchem. Il réalise sa carrière principalement comme décorateur en réalisant des fresques et des plafonds, mais il était également connu pour sa peinture de chevalet et excellait dans les représentations d’animaux.

Typique de son style, mêlant différentes espèces au sein du même cortège, on peut voir sur notre détail un âne monté par une jeune femme, et bizarrement harnaché de tissus colorés. Le peintre fait sans doute ici référence à la Fête de l’Âne, invention paraliturgique qui visait à célébrer l’âne qui a porté Marie durant la fuite en Egypte et qui fut très populaire durant le Moyen-Age. Elle était fêtée le 15 janvier à la cathédrale de Beauvais par exemple. On introduisait l’animal magnifiquement caparaçonné dans l’église pour le bénir. Renvoyant aux cultes profanes adorant des animaux, cette fête plus folklorique que canonial est bannie progressivement de la liturgie mais perdure jusqu’au XVIIe siècle.

Vous pouvez découvrir le tableau complet au musée au sein du nouvel accrochage mis en place ce mois-ci !

Détail du mois de décembre : cuivre, nimbe et évasion de prison…

Le détail du mois de décembre provient d’une curieuse petite huile sur cuivre qui a la particularité d’être peinte sur les deux faces ! Le détail choisi vient de la face représentant la délivrance de saint Pierre, copiée d’après la gravure de Michel Dorigny en 1638 qui s’inspire lui-même d’un tableau de Simon Vouet, aujourd’hui disparu mais que nous connaissons par un dessin préparatoire.

Ce tableau représente l’épisode décrit dans les actes des Apôtres où Pierre, arrêté par le roi Hérode, réussit à s’enfuir de sa prison guidée par un ange qui fait tomber ses chaines et ouvre les portes devant lui alors que tous les gardes sont miraculeusement endormis.

L’ange n’est pas sans rappeler les représentations nombreuses que l’on trouve au moment des fêtes de Noël. Personnage positif, il est à la fois le symbole de l’intervention divine et du dénouement d’une situation compliquée. Sa représentation ici est relativement archétypale : muni d’un visage aux traits doux, il est blond, androgyne et ailé. Il est également entouré d’un nimbe flamboyant, qui se diffuse en rayons autour de lui : le nimbe est une représentation artistique visant à matérialiser la lumière de nature spirituelle qui émane des êtres liés au divin. De sa représentation découle l’auréole que l’on retrouve au-dessus de la tête des saints.

Ce tableau est inédit dans nos réserves mais son état de conversation ne permet pas de le présenter pour le moment. D’autres tableaux vous attendent au musée, en particulier ceux d’Instants suspendus, visibles jusqu’au 15 décembre 2021 ! Dépêchez-vous !

Détail du mois de novembre : faux Sénèque, stoïcisme et repentir…

Le détail du mois de novembre provient de la vanité Mors Omnia Vincit, soit la Mort triomphe de tout, de Mathias Withoos (Amersfoort, 1627 – Hoorn, 1703), peintre hollandais spécialiste des représentations de sous-bois.

Le détail vous présente la pièce maîtresse de sa composition, un buste placé sur un autel. Ce buste pose aujourd’hui problème car, s’il était considéré comme une représentation crédible de Sénèque au temps de Mathias Withoos, nous savons aujourd’hui qu’il ne s’agit pas du célèbre philosophe stoïcien. Le peintre s’est basé sur des reproduction d’une statue visible à Rome dans la collection Farnèse, pour illustrer l’importance de la pensée stoïcienne pour les intellectuels et les artistes : cette philosophie fut remise au goût du jour par Lipsius (ou Juste Lipse, Overijse, 1547 – Louvain, 1606) et actualisée pour être compatible avec le dogme chrétien. Les préceptes stoïciens incitent à se détacher de la matérialité des choses pour se consacrer à sa vie spirituelle et être libéré des passions : ce détachement permet selon Sénèque d’accéder à un état de félicité car on ne craint plus la mort, celle-ci étant inévitable.
Ce buste cache un autre secret : on peut percevoir dans le drapé sous le visage un changement de couleur trahissant un repentir, c’est-à-dire un endroit où le peintre a repeint car il a voulu changer sa composition. Ce repentir a fait l’objet d’une campagne infrarouge qui a révélé qu’une tout autre chose se trouvait en lieu et place du buste de Sénèque…

Pour découvrir cet objet mystérieux, il faudra suivre la conférence du 6 novembre à l’espace Drouot de La Fère : le guide du musée évoquera les surprises qu’a réservé le tableau et en explicitera le sens. Dépêchez-vous également d’aller voir ou revoir le tableau au musée car il sera ensuite absent pour l’exposition Ander licht op Withoos au museum Flehite d’Amersfoort, ville natale du peintre, du 12 décembre 2021 au 8 mai 2022.